Ch.7: l'humilité, du 5°au 11° degré La parole vraie

5° degré, l’ouverture du cœur


Après la patience à toute épreuve, le 5° degré de l’humilité est l’ouverture du cœur.
L’humilité passe par une conscience, puis une façon d’agir, puis une façon de subir, et maintenant une façon de se dire.
Nous ne sommes pas des brebis muettes, nous sommes des hommes capables de paroles.
On n’est pas humble tout seul dans son cœur ; l’humilité n’est pas la résignation muette ; on est humble DEVANT, devant Dieu et devant les hommes.
Les verbes de dévoilement foisonnent en ces 5 versets : "révéler, confesser, faire connaître, ne pas cacher, avouer".
L’aveu, l’humble aveu.
Encore une fois, lien de l’humilité et de la révélation. Par le travail de l’humilité, une révélation s’opère.
La Règle parle d’avouer « toutes les pensées mauvaises qui viennent au cœur et le mal qu’on a commis en secret. » : ça fait beaucoup et ça peut être long, si on se met sur le terrain des pensées qui surgissent comme ça.
La pointe thérapeutique, salutaire, guérissante de cette attitude réside dans la non-justification, dans le fait de ne pas SE chercher et SE donner à SOI-MEME sa justification. Quand nous avouons, même une chose banale, humaine, répétitive, et d’abord sa faiblesse, il est très difficile de ne pas en même temps exposer une masse de circonstances atténuantes, en croyant aider l’autre à comprendre !
Or l’auto-justification est une impasse, parce qu’elle ne guérit rien ; c’est la parole de l’autre en sa liberté qui est guérissante.
Paul Ricœur écrit à la suite de saint Paul : « le péché suprême consiste en dernier ressort dans la vaine entreprise de se justifier. »
L’important dans l’aveu du péché est le « devant toi », « contre toi et toi seul », c’est un regard vers Dieu ; notre tentation dans l’aveu du péché reste encore le repli, « c’est moi qui », moi, moi, moi, et de farfouiller tous les replis de ce moi intriqué dans le mal.
L’humilité au 5° degré est toujours un salutaire décentrement dont l’autre, le père spirituel, est l’instance incontournable.
« ouvrir son cœur » ; pour prendre l’image charnelle, médicale, l’écueil principal est de faire soi-même l’autopsie et de servir du tout cuit ; non ! pour en tirer du bien nous devons avoir le courage de servir de la viande fraîche, sanglante et pas une terrine aromatisée, bardée, cuite et recuite à base de cœur. Si c’est cuit, c’est foutu ; il faut ouvrir un cœur à vif du péché.

Du 6° au 11° degré, une parole en référence


L’humilité n’a d’autre but que de permettre la révélation de Dieu. Le Christ dans son abaissement laisse Dieu se révéler pleinement, et dans ce mouvement d’abaissement il est lui-même emporté, exalté par Dieu qui parle en lui comme en aucun autre ; il est le Verbe de Dieu.
L’orgueil empêche absolument la révélation de cet autre, le Christ présent en moi. La parole orgueilleuse est seule, sans transparence, opaque. L’orgueilleux est le propriétaire exclusif et sourcilleux de sa parole, il la revendique, il la maîtrise comme un objet, une chose qui lui appartient.
L’humble seul peut dire avec le Christ ce que le Christ dit de sa parole, et c’est un refrain dans tout l’évangile de Jean :
« La parole que vous entendez n’est pas de moi mais du Père qui m’a envoyé » (Jn 14, 24)
« Celui que Dieu a envoyé prononce les paroles de Dieu » (Jn 3, 34)
« Ce n’est pas de moi-même que j’ai parlé, mais le Père qui m’a envoyé, c’est lui qui m’a ordonné ce que j’ai à dire et comment parler… ce que je dis, tel que le Père me l’a dit, je le dis. » (Jn 12, 49-50)
« les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même, mais le Père demeurant en moi fait ses œuvres. » (Jn 14, 10)
et encore dans sa prière au Père : « les paroles que tu m’as données, je les leur ai données… je leur ai donné ta parole. » (Jn 17, 8.14)
La parole en nous est la trace d’un Autre.
Tel est le fondement de l’humilité bénédictine et cela peut devenir notre paix, et notre joie.

Frère David