La Règle de saint Benoît
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Pourquoi commenter la Règle ?
Saint Benoît recommande que la règle soit lue au postulant-novice trois fois dans l'année. Par la suite, cette recommandation a été étendue à tous les frères. A cette fin elle a été découpée en morceaux de longueur à peu près équivalente (ce sont les dates marquées en marge du texte dans la plupart des éditions)
Dans certaines communautés, le supérieur lit chaque jour le passage programmé et en fait le commentaire, ce qui, au bout de quelques années, devient un pensum et pour le supérieur et pour la communauté. Et, dans certains monastères, le même passage de la règle est relu le midi au réfectoire, ce qui fait donc six lectures complètes de la règle par an ! Si au bout de cela les frères ne la savent pas par cœur, il y a problème ! Sans compter les commentaires du P. Maître des novices pendant la période de formation…
Evidemment, plusieurs supérieurs ayant accumulé des notes n'ont pas voulu qu'une telle richesse soit perdue et ils ont fait imprimer leurs commentaires, tous aussi géniaux les uns que les autres, d'où leur nombre presqu'aussi nombreux que le sable au bord de la mer et, fort heureusement, plus délicieux à déguster que le sable ! Ce sera la tâche du frère Philippe-Joseph de nous guider dans ce labyrinthe.
Comment lire la Règle ?
Il est bien entendu recommandé à un oblat qui veut vivre de l'esprit de la Règle de saint Benoît d'en avoir une certaine familiarité et donc de la lire régulièrement pour s'en imprégner. Mais comment, quelle fréquence, quelle méthode ?
Observons d'emblée qu'il y a autant de lectures de la Règle que de lecteurs (tout comme pour la Parole de Dieu) et même, selon les lecteurs, la lecture et l'interprétation vont évoluer. Pourquoi ? Parce qu'il s'agit comme la Bible, d'un texte vivant. La Règle n'est pas un code législatif auquel il suffirait de se conformer comme un soldat au code militaire. L'obéissance à la Règle est souple et cette souplesse est parfois très élastique… ce qui exige parfois des supérieurs un certain apprentissage à l'acrobatie avec les frères ! Votre chance d'oblats, c'est que vous n'êtes supérieurs que d'un seul : vous-même !
Il y a une lecture spirituelle de la Règle :
comment va-t-elle colorer spirituellement ma journée ? Comment va-t-elle m'aider à mieux aimer Dieu, à mieux le connaître, à mieux le servir ?
Il y a une lecture pratique de la Règle : comment va-t-elle m'aider à discerner les priorités et à motiver mes relations familiales, mes relations de travail, mes relations de voisinage (le quartier ou les contacts internet…) Mais attention à ne pas devenir une « Règle vivante » (quand on dit cela d'un frère ou d'une sœur en communauté, ce n'est pas un compliment ! La Règle nous fait grandir en souplesse et simplicité et non pas en rigidité. Lire, relire, méditer et assimiler le chapitre 7 « de l'humilité »
J'en prends, j'en laisse. Lors des premières lectures, nous passons rapidement les chapitres qui ne nous concernent pas, tout ce qui concerne les châtiments corporels par exemple. Tout comme nous passons sur certains passages de la Bible, dans le Lévitique par exemple. Cependant, à la longue, ignorer complètement ces passages peut nuire à la compréhension de la Règle. Pour les passages inapplicables de la Bible, les Pères de l'Eglise ont utilisé une méthode déjà utilisée par les rabbins juifs (Philon d'Alexandrie par exemple) : l'exégèse allégorique. Méthode que nous pouvons utiliser pour tirer profit de ces passages apparemment inintéressants. Par exemple, le frère qui doit se mettre à genoux à la porte du réfectoire avec l'objet qu'il a cassé, peut être appliqué entre époux dans le « devoir de s'assoir » où on demande à son conjoint pardon pour la « casse » qu'il a pu y avoir en famille !
La fréquence ?
Quand c'est possible, une lecture journalière est souhaitable, parfois avec l'aide d'un commentaire (mais n'oublions pas que ces « commentaires » ne sont que des béquilles, ils sont là pour nous aider à faire notre propre commentaire, le seul vrai et le seul efficient). Ça peut être une lecture fantaisiste : « tolle, lege ! », en ouvrant le livre n'importe quand et à n'importe quelle page. Ça peut être des moments plus longs et plus ou moins espacés (hebdomadaires, bimensuels…) en fonction des obligations qui varient selon qu'on est mère de famille ou retraitée, professeur de lycée ou joueur de golf… Certains ont besoin de se donner des habitudes un peu strictes sous peine d'aller rapidement à vau-l'eau, d'autres préfèrent la fantaisie : heureux ceux qui peuvent mélanger les deux ! N'importe comment, Benoît recommande qu'on la lise fréquemment sans préciser cette fréquence sauf pour les novices (trois fois en entier durant l'année de formation)
Il va parfois falloir se battre avec le texte en évitant de dire trop vite : c'était valable dans le contexte du 6ème siècle, ça ne l'est plus aujourd'hui, l'esprit et la méthode ont changé ! Mais un regard historique peut nous aider à actualiser un passage qui nous semble caduc (ce qui a été l'orientation du commentaire du P. Adalbert de Vogüé)
Une compréhension évolutive.
La Règle elle-même prévoit une latitude d'interprétation et d'application ! (pour l'office, l'habillement, la nourriture et la boisson, etc. ça fait beaucoup !) Pas aussi large toutefois que le P. Bernard Besret quand il était encore supérieur du monastère cistercien de Boquen. Cette compréhension évolue avec l'âge et les obligations.
Ce que nous recherchons dans la Règle :
un accroissement de vie et d'amour, un mieux-vivre, une mieux-aimer. La règle parle d'observances pour nous aider à combattre nos défauts… agir envers nous-mêmes comme la règle le demande au P. Abbé pour ses frères, c'est-à-dire avec sagesse, non avec violence pour réaliser une image idéale de nous-mêmes, ni avec complaisance pour nos petits péchés mignons. L'accompagnement peut être utile parce que nous sommes très souvent mauvais juges sur nous-mêmes, rigoristes ou laxistes.
Après cela, que reste-t-il de la Règle ?
Tout et presque rien ! Nous souhaitons tous parvenir à un état personnel d'intériorisation, un peu à la manière dont nous intériorisons la Parole de Dieu, la Parole de Jésus, quelque chose de vivant qui nous fait vivre. Quand j'étais jeune moine, quelque peu rétif et contestataire (il en reste quelque chose !) je demandais : mais quel besoin d'une règle (surtout si vieillotte) l'évangile suffit ! J'ai appris peu à peu que la mise en pratique communautaire de l'évangile requérait des coutumes en fonction des temps, des cultures et des lieux. La Règle de Saint Benoît, par son ouverture, permet un enracinement concret de l'Evangile. Nous en avons fait l'expérience à toutes les époques « de renouveau évangélique » messalianisme du 4ème siècle, franciscanisme du 12ème, alhumbrados du 16ème, etc.
Fr. Pierre