DÉFUNTS Jn 6, 37-40
Frères et sœurs, croyons-nous vraiment que Dieu est miséricorde ? qu'Il est tout entier miséricorde ? Je ne dis pas seulement : parlons-nous de Dieu miséricorde, ou invoquons-nous Dieu miséricorde ; mais croyons-nous vraiment que Dieu est miséricorde, en Lui-même ? La lecture de la Bible montre que ce n'est pas si évident.
Voyez Jonas le prophète. Frères et sœurs, avez-vous déjà lu ce délicieux petit livre de l'Ancien Testament qui ne fait que quatre chapitres ?
Jonas a bien du mal à accepter que Dieu soit immensément miséricordieux, concrètement miséricordieux pour les habitants de Ninive, qui sont violents et cruels. Il le sait puisqu'il dit : « je savais bien que tu es un Dieu tendre et miséricordieux » ; mais concrètement, ça coince pour lui. Jonas sait que Dieu est miséricorde, mais il ne l'accepte pas concrètement pour ces gens-là, qui sont de grands ennemis du Peuple d'Israël. Alors Dieu qui est malin se sert d'un arbuste et d'un ver pour aider Jonas à comprendre.
Nous avons lu tout à l'heure la conclusion du livre de Jonas. C'est ce que l'on appelle : une conclusion ouverte. C'est-à-dire que l'on ne connaît pas la réaction de Jonas. Un procédé littéraire bien connu des auteurs bibliques qui disent ainsi aux lecteurs, c'est-à-dire à nous : la balle est dans votre camp, qu'en est-il pour vous ?
Eh bien, frères et sœurs, l'expérience prouve que ce n'est pas parce que l'on invoque la miséricorde de Dieu, ce n'est pas parce que l'on en parle souvent que l'on y croit vraiment. Quelquefois même on en parle pour se rassurer et s'en assurer, parce qu'en fait on a peur de Dieu.
Et pourquoi a-t-on peur de Dieu ? Parce que l'on a eu un père autoritaire ou pervers et que l'on projette cela sur Dieu, inconsciemment. Ou parce que l'on se concentre tellement sur son péché qu'on en oublie l'immense miséricorde de Dieu. Ou encore, plus théologiquement, parce que l'on pense que la miséricorde de Dieu n'est pas infinie et que l'on oppose en Dieu miséricorde et justice.
Revenons à Jonas. Il ne dit pas seulement – sans y croire – « je savais bien que tu es un Dieu tendre et miséricordieux » ; il dit : « je savais bien que tu es un Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d'amour, renonçant au châtiment ». Il savait bien tout cela, mais il n'y croyait pas. C'est écrit en toutes lettres tout au début de la lecture de ce jour : « Quand il vit que Dieu pardonnait aux habitants de Ninive, Jonas trouva la chose très mauvaise et se mit en colère ».
Frères et sœurs, si nous avez du mal à croire que Dieu est miséricorde, tout entier miséricorde, reprenez longuement dans votre prière chacun de ces mots : Dieu tendre – Dieu tendre et miséricordieux – lent à la colère – plein d'amour – lent à la colère et plein d'amour – et donc, renonçant au châtiment. Pour ne reprendre que les premiers mots : Dieu tendre. Est-ce que c'est vraiment ainsi que nous voyons Dieu ? pas sûr …
Frères et sœurs, si nous avez du mal à croire que Dieu est miséricorde, tout entier miséricorde, reprenez longuement dans votre prière la lecture de Saint Paul aux chrétiens de Rome : « Rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu qui est en Jésus Christ notre Seigneur ».
Saint Jean dans l'Évangile le dit à sa manière : la volonté du Père c'est que Je ne perde aucun de ceux qu'Il m'a donnés, mais que Je les ressuscite.
Frères et sœurs, nous prions aujourd'hui en communion avec les défunts et pour les défunts. Nous devons avoir une immense confiance en la miséricorde de Dieu pour eux. Quelques témoignages pour nous y aider.
– La dernière lettre de la philosophe Simone Weil au Père Perrin énonce : « Je n'ai besoin (…) d'aucune promesse pour croire que Dieu est miséricorde. Je connais cette richesse avec la certitude de l'expérience, je l'ai touchée. Ce que j'en connais (…) dépasse tellement ma capacité de compréhension et de gratitude que même la promesse de félicités futures ne pourrait rien ajouter pour moi … ».
– Sainte Thérèse d'Avila écrit : je sais que je serai jugée par mon meilleur ami.
– Le bienheureux Frère Luc, le médecin de Tibhirine : « Parce qu'elle est une rencontre avec Dieu, la mort ne peut être l'objet de terreur. La mort, c'est Dieu » ; « Quand on meurt, on tombe en Dieu ».
Frères et sœurs, c'est cela être sauvé : c'est être perdu, radicalement perdu, et sans l'avoir mérité, tomber en Dieu, tomber vers le haut, en Dieu, pour toujours.
Alors, frères et sœurs, prenons conscience en ce jour que les morts nous mettent en disposition d'éternité. Parce qu'ils ont été proches de nous, l'éternité qui est leur univers, et qui n'est pas encore le nôtre, l'éternité grâce à eux ne nous est pas tout à fait étrangère ».
Alleluia.
F. Jean-Jacques