Dédicace Lc 19, 1-10

Frères et sœurs, je ne sais pas s'il vous est déjà arrivé d'admirer un bouquet de fleurs dans un endroit ou sur un tableau (p.ex. de Gustav Klimt, Claude Monet ou Vincent van Gogh). Si oui, vous avez peut-être constaté qu'un bouquet des fleurs est toujours plus qu'une simple addition de fleurs posées ensemble. Chaque fleur a sa couleur, sa forme, son parfum. Certaines sont éclatantes, d'autres discrètes ; certaines tiennent droites, d'autres se penchent légèrement. Mais quand elles sont rassemblées, elles composent une harmonie qui réjouit le regard et le cœur.

Notre église abbatiale avec son monastère, ressemble en quelque sorte à un bouquet de fleurs. Chaque élément architectural - les pierres, les voûtes, les vitraux, les stalles - est comme une fleur différente qui, réunie aux autres, compose un ensemble harmonieux. Souvent, nous pouvons admirer de belles lumières sur les murs, sur les stalles, sur les visages des frères. Mais ce qui fait la vraie beauté de ce lieu, c'est la vie qui s'y déploie. Car cette église ne vit pas seulement de ses murs, mais de la diversité et de la fidélité des frères qui y prient chaque jour. Et aujourd'hui, elle vit aussi de la communion avec les Églises diocésaines représentées par nos évêques.

Saint Pierre nous dit : « Vous-mêmes, comme des pierres vivantes, entrez dans la construction de la demeure spirituelle. » Autrement dit, le vrai temple de Dieu, ce n'est pas seulement ce bâtiment de pierre : c'est nous, rassemblés ici, qui faisons monter notre prière comme un parfum. Ensemble, nous formons le bouquet vivant du Seigneur. Nos existences, même fragiles, sont comme ces fleurs différentes qui, unies, offrent quelque chose de bien plus beau que chacune séparément. Chaque prière, chaque geste de charité, chaque moment de communion est une fleur dans cet édifice spirituel que nous sommes.

L'Évangile de Zachée nous conduit au cœur de ce mystère. Ce petit homme n'a pas vraiment l'air d'une « pierre vivante » ni d'une fleur éclatante dans le bouquet. Au contraire, il est marginalisé par son métier, rejeté à cause de sa réputation, perché maladroitement dans son arbre, semblable à une fleur qui n'arrive pas à s'épanouir. Mais c'est précisément vers lui que Jésus lève les yeux et dit : « Aujourd'hui, il faut que j'aille demeurer chez toi. »

Jésus, Dieu, choisit sa maison, et c'est celle de Zachée ! Celui-ci avait bien désiré voir Jésus, mais à distance, pour ne pas trop s'exposer. Or Jésus l'invite à une proximité plus grande : dans sa maison, dans sa vie quotidienne, face à face. Zachée ouvre sa porte et sa maison devient aussitôt un temple. La présence du Seigneur transforme tout : le petit collecteur d'impôts devient une fleur vivante dans le bouquet du Royaume. Il devient une pierre précieuse dans le Temple de Dieu.

Ce qui frappe, c'est que Jésus ne pose pas de conditions à Zachée. Il ne lui dit pas : « Convertis-toi d'abord, et ensuite je viendrai chez toi. » Non. Si Zachée change de vie, s'il donne la moitié de ses biens aux pauvres, c'est parce que Jésus a posé sur lui un regard de bonté. C'est ce regard qui révèle en lui une beauté cachée. L'amour de Dieu précède, la conversion suit.

Et c'est là une bonne nouvelle pour nous aussi. Car souvent, nous pensons qu'il faudrait être parfaits pour que Dieu vienne demeurer chez nous. Nous voudrions présenter à Dieu une maison bien rangée, un bouquet bien ordonné, sans défaut, sans fleurs un peu fanées, sans tiges abîmées. Mais Jésus ne s'arrête pas aux apparences. Il nous choisit tels que nous sommes. C'est son regard d'amour qui fait de nos vies, de nos communautés, un bouquet vivant à la gloire de Dieu.

Frères et sœurs, en cette fête de la dédicace de notre église, contemplons ce beau bouquet spirituel que nous formons ensemble. Comme chaque fleur qui trouve sa place dans l'ensemble, nous participons, chacun à notre mesure, à l'édification du temple de Dieu. Que cette église demeure un lieu où chacun apporte sa couleur et son parfum uniques, comme Zachée a apporté la joie dans le cœur de Jésus.

fr. Maximilien