25° Dimanche du TO (C) Lc 16, 1-13
Dans la première lecture, le prophète Amos, 8 siècles avant le Christ, dénonce le règne de l'argent et ses conséquences : l'injustice, la corruption… Jésus, dans l'évangile : « Vous ne pouvez servir Dieu et l'argent »… saint Paul, dans la première lettre à son disciple Timothée invite à prier « pour tous les dépositaires de l'autorité, afin que nous puissions mener une vie calme et paisible, en toute piété et dignité… »
Tout cela, n'est ce pas la réalité d'aujourd'hui ? Crise et instabilité politique dans notre pays, la France – droits de douane et guerre commerciale – corruption dénoncée dans tant et tant de pays… Guerre en Ukraine et risque de famine à Gaza et sa destruction… Et au Vatican même, nous savons que le pape François, pendant tout son pontificat, s'est dépensé pour clarifier et assainir les finances de l'État du Vatican. L'humanité a t-elle, fondamentalement, si peu changé ?
Sur cette réalité qui semble perdurer au fil du temps, quel regard porte Jésus dans l'évangile ? Et donc quel doit être le regard du disciple de Jésus, du chrétien, notre regard ?
Un double regard : à la fois un regard qui dépasse et transcende la réalité humaine, et un regard qui renvoie à cette réalité, ce réel humain?
- un regard qui voit au-delà, plus loin, vers Dieu et le rapport à Lui : « Vous ne pouvez servir Dieu et l'argent » Il faut choisir. Dieu ne peut pas être exclu de la gestion des réalités humaines, de la gestion des biens de ce monde et de l'argent. Dans la révélation biblique, la terre a été confiée aux hommes qui en sont les gestionnaires, pas les propriétaires. La terre n'est pas notre destination finale : l'être humain sur terre est fait pour « les cieux nouveaux et la terre nouvelle » de la vie avec Dieu, au-delà de la mort et pour l'éternité… C'est sa vocation ultime que nous rappelle Paul, dans sa première lettre à son disciple Timothée (2ème lecture) quand il écrit : « Dieu notre Sauveur veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » et pour cela « Le Christ, unique médiateur entre Dieu et les hommes, homme lui-même s'est livré en rançon pour tous. » Le Christ et l'évangile, c'est le chemin qui conduit à vivre ici bas, comme destinés à la vie qui s'arrête ici bas pour se poursuivre, transfigurée, près de Dieu dans l'éternité.
- Et précisément, parce que le Christ, homme lui-même, est Dieu dans l'homme réel, alors le regard de Jésus sur la réalité renvoie à l'humain. C'est ce qu'il fait dans la parabole de ce gérant astucieux, avisé pour se tirer d'une situation difficile. Jésus, en constatant que les fils de ce monde sont plus avisés que les enfants de lumière, les croyants, nous invite, du même coup à nous servir de notre intelligence et de notre habileté humaines pour la gestion du monde.
Mais Jésus, pour nous renvoyer à l'humain, va plus loin encore dans la parabole du jugement dernier au chapitre 25 de l'évangile de Matthieu Dans cette confrontation ultime entre Dieu et l'humanité, au terme de l'histoire : pas un mot ne vise la religion et la pratique religieuse, mais seulement le rapport de chacun à son prochain humain : « J'avais faim et tu m'as donné à manger, j'avais soif et tu m'as donné à boire… J'étais malade ou prisonnier et tu es venu à moi, tu m'as visité … » Et ceux qui, ici bas, n'ont pas cru en Lui, répliquent : « Mais Seigneur jamais nous ne t'avons rencontré sur la terre » - « Chaque fois que tu as traité humainement ton prochain comme un frère, c'est moi que tu rencontrais… Tu es béni du Père… » Y a t-il manière plus forte de nous renvoyer à l'humain et à notre devoir d'amour et de charité fraternels…
Cet humain, béni de Dieu et transfiguré par son amour, n'est ce pas le cœur de ce que nous vivons en cette Eucharistie, où le pain et le vin, « fruit de la terre et du travail de l'homme » sont apportés et présentés à la puissance de l'Esprit Saint, de l'Esprit d'amour et deviennent le « pain de la vie et le vin du Royaume éternel, le corps et le sang du Seigneur… » ? Notre célébration eucharistique, en tournant notre regard de foi vers l'au-delà de ce monde et en appelant le retour du Seigneur que nous attendons, nous renvoie au quotidien de nos vies et nous donne la force pour y inscrire l'amour de Dieu et du frère, qui seuls, peuvent transformer le quotidien de nos vies et l'histoire de l'humanité. Amen !
P. André-Jean