Assomption de la Vierge Marie Lc 1, 39-56

Frères et sœurs, je pense que nous connaissons presque tous la cité de Carcassonne, avec son château, ses remparts, son fossé profond et son pont-levis qui, quand il s'abaisse, il permet de passer de la plaine à la forteresse.

L'Assomption, c'est un peu cela : Dieu a abaissé le pont-levis du ciel, et Marie a été la première à le franchir, corps et âme. C'est un passage direct, sans détour, sans correspondance à prendre, et surtout… sans péage et sans fil d'attente. Le Seigneur n'a pas juste entrouvert la porte : il a abaissé un pont-levis large et solide, assez grand pour que toute l'humanité puisse passer, toute l'humanité qu'il attend les bras ouverts. Mais avant que nous nous y engagions, il a voulu qu'une personne l'essaye, pour être sûr qu'il tienne. Et c'était sa mère qui l'a testé la première.
Les premiers chrétiens ont donné plusieurs noms à ce passage de Marie de la terre vers le ciel. Certains parlent de la « dormition » (koimesis), d'autres du « passage » (metastasis), d'autres encore de l'« élévation » (analepsis). Mais le sens est le même : Marie est passée de cette vie à la Vie éternelle, attirée par Dieu, la Vie par excellence. Sur ce pont-levis, elle suit Jésus ressuscité. Elle est, en quelque sorte, la première passagère après le Roi.
Et ce qui est merveilleux, c'est que Marie ne s'est pas contentée de passer de l'autre côté. Comme toute bonne mère, elle se retourne pour voir si ses enfants suivent. Depuis le ciel, elle nous rassure : le pont-levis - c'est-à-dire l'amour de Dieu - est solide, il ne s'écroule pas, ne grince pas, et il n'y a pas de péage. L'Assomption n'est pas une belle histoire pour quelques privilégiés : c'est une promesse concrète. Ce que Dieu a fait pour Marie, il le fera aussi pour nous.
Le Magnificat que Marie chante, nous montre déjà les merveilles que Dieu a faites pour elle. La première : sa miséricorde. Pas dans le sens du pardon d'un péché (elle n'en avait pas), mais dans le sens de ce don incroyable : devenir mère alors que, humainement, ce n'était pas prévu. Elisabeth aussi a connu ce miracle : elle est devenue mère malgré son âge avancé. Comme quoi, pour Dieu, il n'y a pas de « trop tard » ou de « trop tôt » : il peut faire jaillir la vie au moment où on s'y attend le moins. Il n'est jamais trop tôt ni trop tard pour dire « oui » à la vie, et même à l'heure de notre mort. Oui, nous pouvons dire « oui » à la vie, même en mourant, en mettant nos pas sur le pont-levis divin abaissé pour nous accueillir.
Dieu est celui qui renverse la logique humaine. Marie l'a expérimenté. Elle chante : « Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles ». Elle qui, au moment de l'Annonciation, s'est appelée « servante du Seigneur » (ou littéralement « esclave du Seigneur »), elle est devenue Reine du Ciel. Comme quoi, avec Dieu, les titres et les CV ne font pas le poids.
Une autre merveille que Dieu accomplit pour Marie, c'est de lui adresser sa Parole. Marie l'écoute, elle s'en imprègne au point que son Magnificat est tissé de citations de l'Ancien Testament. Et Dieu continue aujourd'hui à parler à nous aussi, notamment à travers les Écritures.
Il est important ici de faire une distinction entre l'Écriture Sainte et la Parole de Dieu. L'Écriture Sainte n'est pas la Parole de Dieu. Nous lisons l'Écriture Sainte et elle devient pour nous Parole vivante lorsque nous la recevons dans la foi. Comme le dit le concile Vatican II, la Parole de Dieu est consignée dans les Écritures : lorsque nous les lisons, sous l'action de l'Esprit Saint, elles deviennent Parole de Dieu pour nous aujourd'hui.

Frères et sœurs, en regardant Marie aujourd'hui, ne voyons pas juste une fin glorieuse : voyons aussi le pont-levis, un passage ouvert par l'amour de Dieu, solide et sûr. C'est la promesse d'un Dieu fidèle et miséricordieux, qui nous attend et qui nous parle encore. Et si un jour vous hésitez à vous engager sur ce pont, parce que le vide en dessous vous impressionne, rappelez-vous : Marie est déjà passée, et elle viendra nous prendre par la main. Avec elle, le vertige disparaît et le voyage devient une entrée confiante dans la Vie.

F. Maximilien