20° Dimanche du TO (C) Lc 12, 49-53
Jésus angoissé qui dit venir apporter un feu sur la terre, qui dit ne pas venir apporter la paix mais la division. Voilà un évangile qui peut laisser perplexe au cœur d'un été marqué par de terribles incendies dont celui qui a ravagé le département voisin de l'Aude. Evangile déconcertant lorsque l'on pense aussi à l'inquiétante actualité internationale, à l'état du monde actuel avec ses conflits petits et grands. Et Jésus n'y va pas non plus de main morte avec la paix des familles. Dans l'évangile de Matthieu, c'est encore mieux : je ne suis pas venu apporter la paix mais l'épée, l'épée qui divise, c'est la même idée.
Où serait donc alors passé Jésus doux et humble de cœur qui nous appelle à la vie dans son amour, qui veut notre salut ? Où donc est notre Dieu qui fait si attention à notre fragilité, ne voulant pas briser le roseau froissé ? Et Jésus n'a-t-il pas dit ailleurs : qu'ils soient Un comme Toi Père, Tu es en Moi et Moi en Toi.
Comment comprendre de telles paroles sinon par d'autres paroles de Jésus ? Et peut-être pourrions-nous commencer par un détour dans l'évangile de Jean au chapitre 14, verset 27, lorsque Jésus dit : Je vous laisse la paix, je vous donne MA paix. Et Il ajoute bien : Ce n'est pas à la manière du monde que Je vous la donne. Que votre cœur ne soit pas bouleversé. Peut-être pourrions-nous alors interpréter ainsi les paroles du jour : Je ne suis pas venu apporter une fausse paix mais bien MA paix qui ne supportera ni mensonges, ni artifices, ni faux semblants. Je ne suis pas venu apporter une fausse paix permettant un équilibre bancal mais bien plutôt la lumière crue d'une vérité révélant une réalité pas toujours facile à reconnaître et surtout à accepter telle. Et Jésus dit bien que cette paix, Il ne la donne pas à la manière du monde, à la manière, vraisemblablement, d'une pax romana où le plus puissant impose son ordre public.
Mais alors de quelle manière et comment l'accueillir justement cette véritable paix venue du Christ ? Comment accueillir aussi en toute confiance ce feu dont nous parle Jésus, ce feu qui purifierait bien des scories, scories de l'impondérable encombrant nos vies pour libérer le talent qui est en chacun de nous et que nous avons la responsabilité de faire fructifier ? Peut-être en commençant par comprendre qu'accueillir le Christ n'a rien d'une confortable installation et que le suivre ne se confond pas forcément avec une navigation sur un long fleuve tranquille. Sans obligatoirement de bouleversements majeurs ou douloureux, commencer à comprendre que son évangile ne peut que nous renvoyer à l'exigence d'une certaine vérité dans nos vies qui ne nous rendra pas toujours séduisants mais plutôt incompréhensibles en regard de certaines valeurs, de certaines manières de penser et de faire, notamment pour nos proches. Pourrions-nous alors mieux tendre à une vie plus simplifiée, plus étrangère aux encombrantes complications qui seraient bien souvent la signature du Mauvais ?
Pourrions-nous alors mieux prendre conscience de la force de notre baptême pour mener où que nous soyons, qui que nous soyons, une vie baptismale nourrie des sacrements de vie et d'abord de l'eucharistie par laquelle Christ veut greffer en nous sa propre vie (St Cyrille d'Alexandrie), de la réconciliation, de cette confirmation ou sacrement de l'Esprit que beaucoup ont reçu dans cette assemblée, nourrie de la Parole, mais aussi d'une vie relationnelle et sociale juste, jusque dans le respect de notre maison commune ? Force d'une vie baptismale dans laquelle Christ nous appelle à une sorte de course de fond, d'endurance, ensemble, en communion « les yeux fixés sur Jésus qui est à l'origine et au terme de la foi » lisons-nous aujourd'hui dans la lettre aux Hébreux nous invitant aussi à méditer l'exemple du Christ qui est passé par la mort de la croix vers la résurrection. C'est d'ailleurs le sens de ce verset de l'évangile où Jésus parle d'un baptême qui Lui est propre et qu'il Lui tarde qu'il soit accompli, c'est-à-dire ses souffrances et sa mort dans lesquelles il sera plongé. Un chemin bien austère, me direz-vous, que la lettre aux Hébreux nous propose donc de courir avec endurance. Pas vraiment très drôle de considérer cette réalité que nous voudrions peut-être bien éviter, aller dans la vie éternelle sans passer par cette case croix que de toute façon, petite ou grande, nous avons rencontré, nous rencontrons, nous rencontrerons sans que nous la demandions.
Mais attention, cela n'est nullement un appel à une vie triste et grise dans une sombre vallée de larmes, même si nombre de nos contemporains et certains d'entre nous, vivent des situations intolérables, car il nous est aussi recommandé de ne pas nous décourager, notre vocation n'étant pas de rester sur la croix, mais de la traverser, d'être un vivant n'oubliant pas la joie, l'espérance. Me revient une illustration d'une moniale bénédictine de Vanves, Sr Marie Boniface, où le Christ ressuscité est représenté traversant la croix en la fracassant par le milieu. Traverser ces croix de nos existences vers la Vie éternelle, bref, assumer cette incarnation dans laquelle notre Christ n'a pas eu peur de nous rejoindre justement au plus bas de nos croix et tombeaux, au plus près de nos joies et espérances les plus grandes.
Dans son autobiographie, le pape François rappelait que Dieu n'a pas honte de son peuple. Il n'a pas honte de cheminer dans son histoire, dans nos histoires. Il a voulu ainsi se mêler à la notre, jusqu'à s'immiscer même dans nos échecs. Rien de ce qui est humain ne lui est étranger écrivait le théologien Hans Urs von Balthasar et tout ce que nous humanisons, il le divinise écrivait aussi le Père François Varillon. Alors, comme l'a encore répété notre pape aux jeunes, « n'ayez pas peur, de différentes manières, Dieu vous cherche, vous appelle, vous invite à connaître son Fils Jésus-Christ, à travers les Écritures, peut-être à travers un ami ou un parent. » Et si ce chemin est exigeant, il s'agit bien d'un chemin de vie sans oublier la joie, et là encore SA joie à Lui, qu'Il nous donne, Lui, le vainqueur de la mort nous appelant à SA Vie dans le dynamisme trinitaire.
f. Philippe-Joseph