6° Dimanche du TO*C Lc 6, 17.20-26
Heureux, heureux, heureux… quatre fois heureux, nous dit Jésus dans l'évangile de ce dimanche. « Heureux » un mot qui revient sans cesse sur les lèvres de Jésus.
Toute la prédication de Jésus, toute la vie de Jésus est une invitation au bonheur, une invitation à partager le bonheur de la VIE, c'est-à-dire le bonheur de Dieu !
Il n'y a pas de plus grand bonheur pour Dieu que la Vie, une vie pleine, débordante à l'excès ! « Je suis venu pour qu'ils aient la Vie et qu'ils l'aient en abondance ». Rappelons-nous Cana et la surabondance de vin, rappelons-nous les deux multiplications de nourriture et la surabondance de pains et de poissons, sans oublier les filets qui craquent sous le nombre de poissons capturés. Dieu ne sait faire que dans la surabondance : surabondance de vie qui est le signe de la surabondance de l'amour ! A propos de cette surabondance, saint Paul parle de la « folie de Dieu » ! Jésus lui-même fut traité de fou par ceux qui trouvaient qu'il en faisait trop.
« Quel est celui qui désire la vie et voir des jours heureux » demandait un psalmiste qui entrevoyait le Royaume de Dieu à venir, qui entrevoyait le Royaume de l'amour !
Cette surabondance dérange les adversaires de Jésus, ces grappilleurs de petits bonheurs de quat' sous, qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez : les riches, les rigolards, les goinfres et les vaniteux qui se croient comblés alors qu'ils sont pleins de vide. (« Qu'un souffle passe sur eux et ils disparaissent » comme feuilles mortes emportées par le vent, dit un autre psaume.) C'est pourquoi, après avoir décrit quatre bonheurs, Jésus décrit ces quatre malheurs : malheureux les riches, malheureux les repus, malheureux les rieurs, malheureux les satisfaits d'eux-mêmes.
A la suite de Qohéleth, Jésus dénonce ces « fake-news » dont nos mirages publicitaires sont remplis. Jésus veut nous tirer de notre sommeil et de nos rêves chimériques. Nous sommes inondés de messages d'influenceurs de tous ordres qui nous vantent leurs recettes : politiques, commerciales, spirituelles ! Oui, on parle aujourd'hui d'un « marché des religions et des spiritualités », tout se vend et tout s'achète n'est-ce pas ? Jésus a chassé les vendeurs du Temple : quoi ? faire de l'amour de Dieu un trafic, un « bien » de consommation ? Et Jésus va être victime de l'establishment, des influenceurs de son époque et de l'argent : 30 pauvres deniers, le prix d'une corde !
« Qui voudrait acheter l'amour ne recueillerait que du mépris ! » criait déjà le Cantique des cantiques. Et Antoine de St Exupéry constate avec amertume : « Tout s'achète… mais il n'y a pas de marchands d'amis ! »
Oh, mes frères, mes amis, bien sûr le bonheur de la vie s'exprime à travers un certain nombre de biens corporels : santé, nourriture, habillement, logement, relations. Jésus le sait bien qui guérit, donne à manger, crée un espace de parole et de relations. Mais quel malheur quand ces biens prennent le pas sur la vie elle-même et parfois sur la vie des autres réduits à servir nos caprices, notre insatiabilité !
La joie de Dieu, le bonheur de Dieu, la vie de Dieu, c'est de donner et de se donner sans mesure. Jean-Baptiste le dit à ses disciples avant de mourir et pareillement Jésus lors du dernier repas, cette eucharistie que nous sommes en train de célébrer.
Regardez la joie et le sourire de l'enfant qui vient de cueillir une fleur sauvage et qui l'offre à sa mère, à sa sœur, ou qui va prendre une petite pièce jaune dans son trésor pour l'offrir timidement au clochard qui fait la manche. Quand comprendrons-nous que Dieu est un enfant qui offre la fleur fragile de sa vie et qui ne désire rien d'autre que la grâce d'un sourire ? Rien qu'un petit bout de pain vivant, ce petit rien que Dieu nous donne mais dans lequel il nous donne tout son amour, sa vie, sa joie, son sourire.
Comme répondit Jésus à celui qui l'interrogeait sur ce qu'il devait faire pour avoir la vie éternelle : « Va, et toi aussi, fais de même ! »
Fr. Pierre