7° Dimanche du TO*C Lc 6, 27-38
Dans la première lecture (1er livre de Samuel) deux ennemis se font face : le roi Saül qui traque David pour le tuer. Et voilà que Saül se trouve à la merci de David qui, lui, empêche ses hommes de tuer Saül, mais le laisse en vie parce qu'il reconnaît en lui « l'onction », la marque, la mission que Dieu lui a confiée.
Ne pensez-vous pas, chers frères et sœurs, qu'aujourd'hui, bien des puissants de notre monde qui cherchent à l'emporter par la force et la violence devraient s'inspirer de l'attitude de David ? Or on est plusieurs siècles avant le Christ, mais ce jour-là, en David, « l'Adam spirituel » dont parle la seconde lecture, c'est à dire la nature humaine visitée et inspirée par l'Esprit de Dieu, a été plus fort en lui que « l'Adam physique » dont l'instinct naturel pouvait le pousser à se venger et à tuer son ennemi…
Cet « Adam spirituel » a été parfait, absolu, en Jésus le Christ qui vient de nous dire dans l'Évangile ce que cela donne et qu'il nous propose comme choix de vie : « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. À celui qui te frappe sur une joue, présente l'autre joue… » ; c'est-à-dire arrête la violence en toi… Qui de nous vit ce programme intégralement, en plénitude ? Si ne devaient rester ici pour célébrer l'Eucharistie que celles et ceux qui vivent cet idéal intégralement, nous sortirions tous et, dans l'église vide, ne resterait que l'autel, la croix, le tabernacle, c'est à dire les signes de la présence du Christ Jésus qui, dans toute l'histoire de l'humanité, est le seul au masculin a avoir vécu totalement ce qu'il dit et, au féminin, sa mère, dont la liberté n'a pas connu le péché et qui est la toute graciée dans le mystère du salut par la mort et la résurrection de son Fils.
Alors est-elle vraiment pour nous cette promesse qui termine l'évangile de ce jour : « …c'est une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement… » ? Oui, mais comprenons que cette mesure surabondante de l'Amour éternel ne sera versée en nous que lorsque nous serons dans la plénitude de l'Amour après notre mort. Ici-bas, nous n'y arriverons jamais. Si Dieu est venu parmi nous en Jésus, c'est que Dieu notre Père a fait le constat, a bien vu que l'humanité n'arrivait pas à aimer absolument comme Il aime ; alors il s'est dit : il faut que j'y aille moi-même et Il a envoyé le Fils aimer absolument, totalement Dieu le Père et le prochain, fût-il mon ennemi, et l'aimer à ma place. Seulement, si Jésus seul y est arrivé à notre place, il n'y a désormais plus d'autre chemin que Lui, Jésus, pour parvenir au terme… et c'est alors , pour nous, l'exigence de l'amour : le laisser, par son Esprit, aimer en nous, comme Lui nous a aimés ; et c'est pourquoi il nous faut sans cesse mendier l'Esprit d'amour dans une prière inlassable et c'est pourquoi nous sommes ici à célébrer l'Eucharistie, le sacrement de l'Amour, et c'est pourquoi nous écoutons la parole de l'Amour, nous partageons le pain qui est son Corps livré et ressuscité par amour, afin que jamais nous ne nous découragions en constatant chaque jour que nous n'aimons pas assez, comme lui nous a aimés, et que chaque jour, jusqu'à notre dernier souffle nous persistions à essayer d'aimer davantage, toujours davantage, comme Vincent de Paul l'affirmait un jour en répondant à cette parole de la reine de France : « Monsieur Vincent, nul n'a fait plus que vous pour aimer et servir les pauvres… » ; et Vincent de Paul de rétorquer « Je n'ai fait que bien peu, Madame… » - « Mais que pouviez-vous donc faire de plus ? » reprend la reine ; « Davantage, madame… » La loi, le régime de l'amour, c'est toujours « davantage » . Persévérer à essayer d'aimer toujours davantage, c'est ce que nous venons chercher dans cette eucharistie et c'est ainsi que nous nous préparons à recevoir la « mesure surabondante et débordante » que le Seigneur désire et veut nous donner. Amen !
P. André-Jean