6° Dimanche de Pâques (C) Jn 14, 23-29
Je vous donne la paix, je vous donne ma paix. Non pas à la manière du monde. Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé. Comment ne pas penser aux premières paroles de notre pape Léon XIV et à tant d'autres de son prédécesseur, de ses prédécesseurs. Plus jamais la guerre a-t-il osé lancer le 11 mai dernier, en écho à Paul VI s'adressant aux représentants du monde à l'ONU en octobre 1965. Oui, en prononçant ces paroles, notre pape a, par la suite évoqué les principaux conflits en cours dont la liste non exhaustive ne peut que faire peur voire pourrait décourager et rendre inaudible tout discours de paix, rendre stérile toute volonté, toute initiative de paix réduite à quelques impondérables velléités.
Mais dès le lendemain, s'adressant aux jeunes, il reprend avec force le « N'ayez pas peur » de Saint Jean-Paul II en lui donnant une connotation personnelle : « N'ayez pas peur, acceptez l'invitation de l'Église et du Christ Seigneur ! », ce Seigneur, disait Benoît XVI, « qui ne prends rien mais donne tout » et spécialement aujourd'hui, sa paix à accueillir. Facile à dire, mais justement, aux disciples pas plus rassurés à l'époque que nous sur l'état du monde actuel, Jésus dit bien qu'Il ne la donne pas à la manière du monde, à la manière, vraisemblablement d'une pax romana où le plus puissant impose son ordre public. Jésus ne dénigrerait cependant pas toutes ces initiatives politiques de paix des hommes de bonne volonté dont parlait saint Jean XXIII, et il y en a eu dans l'histoire, que l'on pense par exemple à un Robert Schuman, un Gandhi, Martin Luther King ou le charismatique maire de Florence de l'après 2e guerre mondiale, Giorgio La Pira.
Mais alors de quelle manière et comment l'accueillir justement cette paix véritable venue du Christ ? Comment répondre à une telle invitation à la paix du Christ ? La première lecture de ce dimanche pourrait fournir une clé originale, parmi d'autres, avec ce passage des actes des Apôtres dans lequel nous voyons une communauté chrétienne, celle d'Antioche, composée de nombreux païens d'origine, en proie au trouble voire au risque de division par la faute de prédicateurs autoproclamés et pensant malheureusement bien faire avec leur rigorisme mal placé. La paix reviendra à la suite de la décision du tout premier concile de l'Eglise à Jérusalem.
Cette réunion des Apôtres et des Anciens à l'écoute de l'Esprit saint (L'esprit saint et nous-mêmes avons décidé), sera en quelque sorte le germe d'un dynamisme ecclésial qui permettra à l'Eglise, par les Conciles et synodes ultérieurs, d'essayer de garder l'unité dans la paix du Christ, parfois, non sans douleurs et déchirements voire mêmes échecs retentissants ou grandes déceptions comme le concile de Latran V en 1517, dont on pouvait attendre à l'époque une profonde réforme de l'Eglise et qui aboutit notamment à une réforme de la perception des impôts de la Curie romaine.
Bref, un grave problème se pose, un changement important de paradigme du monde en son époque et l'on réunit un Concile, ce fut le cas en 325 au concile de Nicée avec la crise de l'arianisme (soutenant que Jésus n'est pas Dieu), concile dont nous fêtons les 1700 ans cette année, ce fut le cas en 1962 avec le concile Vatican II. Vie conciliaire et synodale comme incontournables médiations humaines avec leurs inévitables pesanteurs mais au service de la paix en Jésus-Christ pourrions-nous dire car nous n'en sommes pas encore à la Jérusalem céleste de la deuxième lecture, à cette unité parfaite, à cette paix véritable.
Au moins, à notre niveau, pourrions commencer personnellement à nous inscrire dans ce travail de pacification sans cesse en chantier, pacification intérieure et autour de nous : Cherche la paix, poursuis-là dit le psaume 33. Sans doute connaissez-vous ainsi cette réponse de sainte Térésa de Calcutta à qui un journaliste demandait ce qu'il faudrait commencer à changer pour de vrais changements dans l'Eglise et le monde : vous et moi ! Là encore facile à dire ! Et toujours la même question : mais comment ? Etant adolescent, je me souviens de ces microréalisations proposées par le Secours catholique. L'achat d'un petit sac de semences par exemple, petit sac qui s'ajouterait aux autres pour tel village de tel pays pauvre. Le financement d'un petit matériel pour tel autre village. Gestes infimes qui n'étaient pas sans conséquences certaines dans le cadre d'un développement plus global, même si le contexte et les rapports ont bien changés entre les anciens financeurs et les bénéficiaires. N'ayons alors pas peur d'être inventifs à mieux à l'écoute de l'Esprit qui habite en nos cœurs ; n'oubliant pas non plus que, venant du Christ qui nous la donne, cette paix est aussi inséparable de sa joie. Une joie profonde qui n'élude pas la croix, l'adversité, mais dans cette espérance, thème de l'année sainte inaugurée par notre défunt pape François.
f. Philippe-Joseph