4° Dimanche de l'Avent (A) Mt 1, 18-24
Lorsque Matthieu nous parle de la naissance virginale, ce qu'il veut souligner n'est pas tant un événement miraculeux que le fait que Jésus est beaucoup plus qu'un enfant d'Israël. Oui, il était Juif de naissance. Oui, ses ancêtres étaient Juifs. Mais son vrai père était Dieu qui, par lui, comme il l'avait fait par Adam, donnait naissance à une nouvelle race, une race dans laquelle les liens du sang avaient bien peu d'importance.
Le rôle de Joseph dans cette histoire est une sorte d'expression symbolique de la déception du peuple juif lorsqu'il découvrit que le Messie n'était pas sa propriété exclusive. La naissance de Jésus met fin à la domination d'une race sur l'autre, d'une culture sur l'autre. Depuis Jésus, quelle que soit notre citoyenneté politique, que nous appartenions à un tout petit pays ou à un état puissant qui peut agir comme police internationale, nous n'avons qu'une seule citoyenneté qui compte vraiment : nous sommes tous fils et filles de Dieu.
Une autre conséquence de tout cela est que Dieu n'est pas simplement « notre » Dieu et que Jésus n'est pas seulement « notre » Jésus. Or, nous sommes habitués à considérer Jésus comme « nôtre » ; et, bien sûr, puisque nous sommes généreux, nous voulons le partager avec les autres ! En réalité, nous n'avons pas à le « partager » avec les autres. Nous avons à le « découvrir » dans les autres.
C'est ce qui est absolument nouveau et original. Pourquoi alors sommes-nous chrétiens ? Précisément dans ce but : témoigner de l'égalité absolue de tous les êtres humains ; aider l'humanité à découvrir enfin que personne ne peut, pour aucune raison, dominer une autre personne. Être fils de Dieu, c'est une grâce pour chacun de nous et pour tout homme. Une grâce imméritée, un cadeau.
Noël, c'est la fête de la Grâce et c'est pour cela que c'est la fête de la joie. Il y a un lien entre la joie et la grâce : ces deux mots tintent l'un contre l'autre. C'est le message de l'Évangile, rappelons-nous le passage du fils prodigue : Le Père fait grâce à son fils et il y a une joie qui déborde et qui concerne toute la maison… Mangeons, festoyons, mon fils que voilà était mort et il est revenu à la vie !
Les Évangiles de l'enfance sont traversés de part en part par ce rapprochement entre la joie et la grâce. Vous vous souvenez aussi de l'épisode de Zacharie qui se refuse à appeler son fils « Jean », ou pour être plus précis (mais cela revient au même) qui refuse le message que porte le nom de son fils Jean, c'est-à-dire, le Seigneur fait grâce, le Seigneur fait du nouveau…
Ce n'est pas facile d'accepter l'irruption de Dieu dans sa vie, d'accepter de sortir de ses habitudes, c'est pourtant la condition de la joie et du bonheur. Zacharie se replie sur lui, il en devient muet, il perd l'usage de la parole, il est prêtre mais il n'a plus rien à dire au peuple… Il retrouve la parole lorsqu'il consent à la grâce, lorsqu'il écrit sur la tablette de cire, « Son nom est Jean ». J'accepte que le Seigneur fasse du nouveau. Cette acceptation de la grâce de Dieu met son cœur en joie, et il se met à chanter, à louer Dieu.
Dans la nuit de Noël, les bergers qui gardent les troupeaux, entendent des anges qui leur proclament aussi une parole de grâce, une bonne nouvelle, un Évangile : Voici que je vous annonce la bonne nouvelle d'une grande joie, qui sera pour tout le peuple. Il vous est né, aujourd'hui, dans la ville de David, un Sauveur, qui est Christ et Seigneur. Et voici pour vous le signe – voici pour vous ce qui vous montrera qu'il est bien votre sauveur, un sauveur de bergers, mais ce signe qui est pour vous sera pour tous - : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire.
Jésus, dans la crèche est comme un petit berger, un petit gitan, un petit peulh, il ressemble à leurs enfants ; comme un petit de bergère, il est emmailloté, couché dans la mangeoire. Personne n'a peur d'un petit bébé. C'est bien le message de l'ange à Marie : Sois sans crainte, tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Dieu s'approche, Dieu fait du nouveau, il vient chez les bergers… c'est un signe qui est pour tous ! Le ciel est sur la terre, c'est une grâce immense… mais aussitôt, cette grâce fait jaillir la joie, la terre est au ciel, les bergers avec les anges : Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur terre, paix aux hommes qui ont sa faveur !
Marie qui a trouvé grâce, à la vue de ces pauvres qui se sont approchés de la crèche, à la vue de cette rencontre du ciel et de la terre gardait avec soin toutes ces choses, les repassant dans son cœur…
Marie comprend pourquoi l'ange lui a demandé d'appeler son fils « Jésus », c'est-à-dire « Dieu sauve », elle comprend surtout comment il va sauver, en s'approchant de l'homme, ou plutôt de tous les hommes.
F. Jean-Luc