21° Dimanche du TO (C) Lc 13, 22-30

«Seigneur, n'y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ?» Frères et sœurs, quelle étrange question !
Bien sûr, nous le comprenons et nous pouvons nous interroger : «Que vont devenir toutes ces personnes qui s'éloignent de Dieu et de son Eglise ? Qu'en sera-t-il de celui-là qui est mort sans avoir pardonné ? Qui d'entre nous ne s'est interrogé au sujet de ceux qu'il aime et qu'il voit indifférents au Seigneur ?»

Oui, mais quelle étrange question tout de même : peu de gens seraient sauvés ! Alors que Jésus, lorsqu'il parle du Ciel et de l'avenir de notre humanité, les compare à un banquet immense vers lequel accourent toutes les nations du Nord et du Midi.
Déjà le prophète Isaïe avait cette vision grandiose que nous avons entendue dans la première lecture de ce dimanche : «Ainsi parle le Seigneur : moi, je viens rassembler toutes les nations, de toute langue.»

Peu de gens seront-ils donc sauvés ? Non, ce salut est pour les foules immenses que Dieu seul peut compter. Quel père, d'ailleurs, voudrait perdre un de ses enfants ? Comment le Dieu d'amour supporterait-il que seulement quelques-uns puissent entrer dans le Royaume et prendre place à son festin ?
Oh, des derniers seront des premiers, et des premiers seront des derniers, dit Jésus. Oui, Dieu ne juge pas comme nous. Mais ce qu'il faut entendre ici, frères et sœurs, c'est que le Seigneur Jésus nous redit la volonté unique et profonde de Dieu, son Père et notre Père : le salut de tous, la vie, la joie, la paix pour tous. Là est la joie du festin : que personne ne soit exclu du bonheur de vivre la plénitude de Dieu.

Parlant de ce bonheur, sainte Elisabeth de la Trinité, une carmélite du début du XXe siècle, disait : «Océan où je me perds, fascination devant la profondeur, l'immensité de l'amour de Dieu. Aimer Dieu, aimer son prochain comme soi-même, ô voilà l'éternité bienheureuse ! Voilà le seul bien désirable qui ne passe pas ! Voilà le seul bonheur que Dieu veut pour nous.»

Mais nous, le voulons-nous ? Le voulons-nous vraiment, cet amour-là que Dieu nous propose ? Ce bonheur-là, et non pas un autre bonheur, au rabais, facile à acquérir.
Nous le savons, frères et sœurs, une grande tentation pour nous est de penser que nous pourrions vivre en présence de Dieu, maintenant et pour l'éternité, à peu de frais, avec quelques prières, quelques efforts, quelques beaux gestes et des paroles éloquentes ! Or, le Seigneur propose la vie véritable et nous mésestimons ce don de Dieu. Là est sans doute notre faute la plus grave. C'est le respect de Dieu à notre égard que de nous demander beaucoup, d'exiger de nous ce que nous pouvons être, des vivants. Et c'est notre bonheur que de tout donner. Ainsi, l'enjeu, c'est la vie éternelle avec Dieu.

Alors, nous pouvons comprendre les exigences : «Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite», dit Jésus. Il peut nous demander : «Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait» ou «Aimez vos ennemis».
Tant de fois, Jésus présente ces exigences, cette porte étroite à franchir. Mais ces exigences sont là non pour nous empêcher d'avancer, mais au contraire pour nous purifier, nous permettre de nous hisser progressivement à ce bonheur de Dieu.

Oui, consentir à ce pardon difficile à celui-ci qui m'a tant fait souffrir ; choisir de vivre selon l'Evangile alors que cela semble aller à contre-courant de ceux qui nous entourent ; garder l'espérance en Dieu même dans la nuit, rendre grâce même au jour d'épreuve... tout cela purifie, transforme notre cœur, nous habitue progressivement à la vie de Dieu, à Lui qui est bon pour tous.

Ainsi, frères et sœurs, progressivement, nous devenons capables de vouloir nous-mêmes ce bonheur que Dieu veut pour nous. Nous entrons dans cette vie de Dieu, immensité d'amour.

Une dernière question : cette foule innombrable venant du levant au couchant, toutes ces nations, tous ces gens-là, ont-ils connu cette purification, ont-ils connu ce chemin de la vie ?
Ici, chacun peut s'interroger : qu'ai-je fait déjà ? Oui, qu'avons-nous fait pour prendre place au festin du Royaume ?
Or, ayons-en la certitude : si j'avance vers cette porte étroite, c'est grâce à la prière de beaucoup pour moi. Et si d'autres aussi pénètrent dans le Royaume, ce sera peut-être grâce à ma prière et à ma parole. Tel est le véritable mystère de la communion des saints. Solidaires en humanité, nous sommes solidaires dans notre avancée et remontée vers le Père.

Sainte Claire d'Assise forte de cette foi, écrivait à sa sœur Agnès: «Je te considère comme le soutien et le réconfort des membres abattus de l'Eglise».

Frères et sœurs, Dieu se réjouit de cette fraternité. Il est notre Père à jamais. Tous, il nous attend.

Amen

F. Benoît-Marie