17° Dimanche du TO (C) Lc 11, 1-13

Frères et sœurs, les lectures d'aujourd'hui orientent notre méditation sur le sens profond de la prière. La prière comme demande à Dieu. Ces textes, avec la prière par excellence qui est celle du « Notre Père », nous invitent à revisiter notre façon de demander. Comment prier, de quelle manière demander quelque chose à Dieu ?

Tout d'abord, nous pouvons assez vite remarquer que, aussi bien dans le récit de la genèse que dans l'évangile, la demande se fait pour quelqu'un d'autre, et non pour soi-même. Abraham supplie Dieu de ne pas détruire Sodome et Gomorrhe. S'il fait cette prière, cette demande, c'est parce qu'il pense que ces deux villes ne sont pas complètement corrompues, et qu'il y subsiste tout de même quelques justes. Dans l'évangile de Luc, la parabole de l'ami importun nous montre aussi la même chose. Un homme reçoit l'un de ses amis qui arrive de voyage, et il n'a rien à lui offrir. Il demande donc à un autre ami de lui prêter trois pains pour pouvoir l'accueillir dignement. On sait que l'accueil de l'étranger, et encore plus de l'ami, est très important en Orient. Comme le fait Abraham, il s'agit donc aussi d'une demande pour le prochain, et non personnelle. 

Qu'est-ce que cela veut dire ? Que nous devons prier Dieu uniquement pour les autres ? Bien sûr que non, mais la vraie prière doit inclure les autres. La prière que Jésus nous a laissé éclaire bien cela. Le Maître nous enseigne à prier, non pas en disant « mon Père », mais « notre Père » (dans la version de Matthieu). Donne-nous le pain dont nous avons besoin. Pardonne-nous, comme nous pardonnons. Ne nous laisse pas entrer en tentation. Je ne suis pas le seul et unique fils de Dieu. Je fais partie d'un ensemble plus vaste que ma propre personne. Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, dit Jésus, je suis là au milieu d'eux. Au fond, la prière, même solitaire dans le fond d'un ermitage, nous relie aux autres membres de l'Eglise. Une Église qui est appelée aussi « Corps du Christ », et dans laquelle je participe à la grâce de filiation. Comme Jésus, prêtre et médiateur, je suis à la fois dans la position de celui qui demande au Père, et celui qui donne aux autres. C'est dans ce mouvement que je reçois moi-même la grâce de l'Esprit. Car c'est l'Esprit Saint qui fait de nous des enfants de Dieu. Des enfants qui s'entraident, comme dans une famille. Le Père donne, mais les fils apprennent aussi à donner, à se donner.

Dans la parabole de l'évangile, l'homme demande trois pains à prêter à son ami. Cela peut paraître un détail. C'est important aussi, en réalité. Nous avons vu que tout ce qui nous est donné n'est pas pour nous seulement, mais également pour les autres. Et en plus de cela, c'est un prêt. C'est-à-dire que nous allons devoir rendre à celui qui nous a prêté. Nous sommes débiteurs. Et cela est souligné aussi dans la prière du Seigneur. Remets-nous nos dettes, comme nous les remettons à ceux qui nous doivent, toujours dans la version de Matthieu. Saint Paul, dans l'épître aux Colossiens, souligne aussi cette dette que le Christ a annulée par sa mort sur la Croix. Nos péchés sont effacés, pardonnés. Une circoncision du cœur est nécessaire, pour ouvrir les tombeaux dans lesquels nous sommes enfermés. Un prêt, donc, car tout ce que nous avons, nos dons, nos qualités, ne sont pas à nous en propre. Ces dons nous sont confiés pour un temps déterminé qui correspond à notre vie terrestre. Il me faut donc apprendre la désappropriation en rendant grâce pour ce qui m'est prêté, et que je devrai rendre au soir de mon existence.

Dans ces textes, une autre caractéristique de la prière de demande est qu'elle est insistante. Abraham insiste, il négocie avec Dieu pour obtenir finalement quelque chose de tout à fait inespéré : même pour dix justes, Dieu accepte de ne pas détruire Sodome et Gomorrhe. Malheureusement, nous savons que ces deux villes seront tout de même anéanties, car elles n'obtiennent pas le nombre suffisant de justes. Le péché qui leur est reproché est justement de ne pas avoir honoré l'accueil de l'étranger, au contraire de l'ami importun de l'évangile qui fait tout pour donner du pain à son hôte. On peut dire que cet homme qui réveille son ami en pleine nuit est lui aussi insistant, et sans gêne ! Mais c'est pour la bonne cause, car la demande n'est pas pour lui.

Frères et sœurs, n'ayez donc pas peur d'être insistants dans notre prière à Dieu. Par la médiation du Christ, l'Eucharistie est la meilleure occasion qui nous soit donnée de demander à Dieu, pour nous-mêmes et pour toute l'humanité, un peu de nourriture qui nous fasse vivre. Sans nous lasser, frappons à la porte du cœur de Dieu qui donne sans mesure à ses enfants, non seulement pas amitié, mais surtout par amour car il nous a créés à son image. Comme fils et filles de Dieu, nous sommes aussi appelés à être pères et mères les uns pour les autres, en donnant à ceux qui sont autour de nous, et qui ont besoin d'attention et de tendresse. Amen.

P. Columba