1° Dimanche de l'Avent (A) Mt 24, 37-44
Frères et sœurs, ça y est, nous y sommes, c'est l'Avent, le moment de creuser en nous le désir de Dieu. Pour cela, il nous faut nous ressaisir, « sortir de notre sommeil » et de la routine du temps ordinaire qui a tendance à nous installer dans un ronronnement confortable. C'est aussi le début de l'année liturgique, et même le début d'un nouveau cycle de trois ans qui commence pour nous, et qui nous invite à repartir sur de nouvelles bases.
Alors, comment faire pour réveiller ce désir, pour nous mettre en route vers la montagne de la maison du Seigneur, comme dit le prophète Isaïe ? Comment revenir vers Dieu, et marcher à sa lumière ? Voyons ensemble quelles sont les balises que les lectures nous donnent aujourd'hui pour avancer sur ce chemin.
Il me semble tout d'abord qu'une grande place est accordée dans ces textes au moment présent, à la pleine conscience de ce que nous vivons, à l'attention et la vigilance de chaque instant, pour se mettre en face de Dieu qui vient à nous. La « méditation de pleine conscience », vantée dans tous les magazines, est bien plus qu'un outil de bien-être superficiel. C'est une sagesse profonde, qui s'enracine dans toutes les traditions religieuses invitant à l'éveil, à la résurrection de l'être. Nous rattachons souvent cette spiritualité de l'instant présent au bouddhisme, et aux sagesses venues d'Extrême-Orient, en particulier à la tradition Zen. Mais nous ignorons qu'elle est aussi présente dans l'Orient chrétien des premiers siècles, notamment chez les moines du désert d'Égypte et de Syrie.
Voici quelques exemples de ces paroles de sagesse : « Un frère demanda à Abba Poemen : “Que dois-je faire ? ». Le vieillard répondit : “Reste assis dans ta cellule et garde ton cœur avec vigilance ; la vigilance intérieure est la voie.” ». Évagre le Pontique, de son côté, dit ceci : « Veille sur tes pensées comme un portier veille sur les portes ». Et Abba Longin : « Si tu veux être sauvé, deviens en tout temps comme un débutant ». Et enfin Abba Antoine le Grand : « Le moine doit être tout entier œil ». Les pères « neptiques », comme on les appelle (de nepsis, en grec, qui veut dire la « vigilance ») nous apprennent à toujours veiller, à garder la présence de Dieu devant nos yeux, et à purifier nos pensées du trouble engendré par le monde, qui rend nos cœurs indifférents à la grâce. C'est ce que nous dit Jésus dans l'évangile d'aujourd'hui : les gens de l'époque de Noé ne se sont doutés de rien. Ils n'ont rien vu, ils n'ont pas ouvert leurs yeux à la réalité qui venait à eux. Et le déluge s'est abattu sur eux.
Les Pères de l'Église ont vu dans le déluge un symbole du baptême, qui lave et purifie toute chose, pour renouveler notre être. Ce déluge opère en nous un discernement, une séparation entre le bon grain et l'ivraie, entre les brebis et les boucs. Ici, « deux hommes seront aux champs : l'un sera pris, l'autre laissé. Deux femmes seront au moulin en train de moudre : l'une sera prise, l'autre laissée ». Qu'est-ce que cela veut dire ? Ce passage nous montre que ce qui a été indifférent à Dieu sera « laissé », et ce qui a été présent sera « pris », c'est-à-dire emporté dans l'arche de Noé, à l'abri du déluge. Ce qui subsistera dans le Royaume, ce seront les actions qui ont été posées dans la présence de Dieu et du prochain. Alors, peut importe ce que l'on fasse. Que l'on mange ou que l'on boive, que tout soit fait pour la gloire de Dieu, dit saint Paul. C'est ainsi que l'on peut se tenir prêt : en convertissant notre manière d'agir, de telle sorte que les épées deviennent des socs, et les lances, des faucilles, comme dit le prophète Isaïe. Cela revient à revêtir le Christ en toute chose, à passer des ténèbres de l'indifférence à la lumière de la présence.
Frères et sœurs, en ce temps de l'Avent, ne restons pas insouciants, et ne cédons pas à la mondialisation de l'indifférence, comme disait le pape François. Cette indifférence qui ferme nos cœurs à Dieu et aux autres, et qui nous rend si souvent insensibles à la misère humaine. Entrons dans l'arche, protégeons et gardons notre cœur, laissons le mal être anéanti et emporté par les eaux du déluge. Avec le bois de la croix, construisons un abri qui permette de sauvegarder tout ce qui est beau, pur et lumineux dans le monde. Comme une nouvelle création rassemblée dans l'arche, avec toutes les espèces d'animaux et de volatiles, commençons cette année liturgique avec toutes nos facultés renouvelées et purifiées par Dieu. Vivons chaque instant comme un présent éternel. Car le passé a été englouti, et l'avenir n'est encore qu'en germe. Dieu est là, maintenant, et il veille sur nous dans l'arche, dans le sein de Marie. Veillons aussi sur lui, en attendant sa venue. C'est le moment. Le salut est tout près de nous. Amen ! Viens, Seigneur Jésus !
F. Columba