Toussaint Mt 5, 1-12

Frères et sœurs, qu'est-ce qui se cache derrière les rayons du soleil, si ce n'est son noyau ardent ? Un fleuve pourrait-il exister, s'il n'y avait pas une source dans la montagne ? Qu'est-ce qui anime la personne des saints, si ce n'est Dieu lui-même, à l'origine de toute sainteté ? On ne peut pas parler des saints, de « tous les saints » fêtés aujourd'hui et que nous sommes appelés à être, sans évoquer le Cœur du Christ, et l'Amour du Père qu'il nous communique tel un soleil, telle une source.

Dilexit nos. « Il nous a aimés ». C'est le titre de l'encyclique du pape François sortie il y a quelques jours ; malheureusement de façon presque inaperçue, au milieu du flot d'informations – souvent accablantes – sur l'état de notre planète. Oui, le Sacré-Cœur est le noyau de toute sainteté et de toute vie. C'est lui qui fait tenir le monde et l'Église, au milieu des épreuves de toutes sortes. Lui seul peut faire de nous des saints à l'image de Dieu. Alors, pourquoi ne pas considérer ce noyau ardent de l'Amour divin, plutôt que la cruauté des hommes, qui fait beaucoup de bruit ? À moins que cet Amour soit justement du côté des victimes, et de tous ceux qui souffrent : Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le Royaume des cieux est à eux. Rappelons-nous que le Cœur du Christ est transpercé à la Passion de Jésus. La vie du Christ n'a pas été une bulle où tout est bien protégé. Du début de sa vie terrestre jusqu'à la fin, il a accepté de souffrir pour nous et avec nous. La vie des saints est à l'image de cette vie donnée et offerte par amour.

Saint Jean, dans le livre de l'Apocalypse, a vu un ange qui montait du côté où le soleil se lève, avec le sceau qui imprime la marque du Dieu vivant. Ce soleil, c'est le Cœur du Christ, comme nous l'avons dit, qui fait de nous des fils de Dieu, et des saints avec lui. Dans l'encyclique Dilexit nos, le pape François cite saint François de Sales qui dit ceci (en vieux français) : « Que ce Ciel est beau maintenant que le Sauveur y sert de soleil, et la poitrine d'icelui d'une source d'amour de laquelle les bienheureux boivent à souhait ! Chacun se va regarder là-dedans et y voit son nom écrit d'un caractère d'amour que le seul amour peut lire, et que le seul amour a gravé. Dieu, ma chère fille, les nôtres n'y seront-ils pas ? Si seront sans doute ; car bien que notre cœur n'a pas l'amour, il y a néanmoins le désir de l'amour » (§ 115).  Je complèterai : le désir d'être saints, et le désir d'aimer, sont déjà une forme de sainteté. C'est en nous laissant attirer par cette source que nous pourrons devenir des saints. En regardant vers le ciel, et vers le soleil qui nous brûle le cœur.

Sainte Marguerite-Marie Alacoque, qui eut à Paray-le-Monial les visions du Sacré-Cœur de Jésus, explique de son côté que les cinq plaies du Christ étaient comme cinq soleils, et que sa poitrine était une fournaise dont sortait des flammes ardentes, qui représentaient l'amour excessif dont Jésus nous a aimé (cf. § 124). C'est ainsi que nous voyons le grand amour nous a donné le Père, comme dit la première lettre de saint Jean, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes. (…) Nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu'il est. Et quiconque met en lui une telle espérance se rend pur comme lui-même est pur... Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu, dit Jésus dans son sermon sur la montagne. La pureté n'est pas d'abord quelque chose de moral, mais c'est un don reçu de Dieu qui est la source de toute sainteté et de tout amour.

Comme le rappelait récemment Mgr de Kérimel, dans son homélie pendant la messe où il a consacré au Cœur de Jésus la ville et le diocèse de Toulouse, « le Cœur de Dieu est ouvert définitivement pour toute l'humanité, pour les justes et les pécheurs, pour les victimes et les bourreaux. (…) Dans une société où grandit la violence, l'exclusion, la solitude, des cœurs s'ouvrent pour inviter au respect et à la confiance ; dans une société qui a perdu le sens et se laisse fasciner par les ténèbres, des cœurs s'ouvrent pour témoigner de l'espérance. Ces hommes et ces femmes de cœur témoignent d'un autre monde possible ». Frères et sœurs, soyons ces hommes et ces femmes de cœur, soyons des saints qui rayonnent du soleil de Dieu dans un monde de ténèbres. Même si le soleil de l'amour semble s'éteindre et se cacher avec la mort de Jésus et de tous les souffrants, nous savons que cette lumière demeure éternellement à l'intérieur de toute chose et de tout être vivant. C'est notre foi de chrétiens qui nous donne de ne pas désespérer, et de continuer à croire en la Vie plus forte que la mort. Soyons des saints lumineux et joyeux, heureux d'être ressuscités avec le Christ, qui est notre récompense. En restant debout avec lui, nous pourrons consoler ceux qui pleurent, rassasier ceux qui ont faim et soif de la justice. Amen.

Fr. Columba