30° Dimanche du TO*B Mc 10, 46b-52

Frères et sœurs, qu'est-ce que croire ?
Nous nous imaginons souvent qu'avoir la foi, c'est être habité par une certitude absolue, sans faille.
Certes, tout croyant recherche cette foi indéfectible.
Comment faire confiance à Dieu seulement à moitié ?
La logique de la foi tend vers l'absolu.
Cependant elle demeure un chemin :
il y a comme des étapes par lesquelles nous passons, par lesquelles nous repassons aussi plusieurs fois dans la vie.
Ces étapes, Bartimée, l'aveugle de l'évangile de ce jour, nous les montre. Ainsi éclaire-t-il notre foi.

Qu'est-ce que croire ?
Pour Bartimée, c'est d'abord accepter d'être aveugle.
Oui, «accepter», car c'est un grand bouleversement, et il faut beaucoup de courage, pour se reconnaître ainsi, pour assumer cette limite. Il est si difficile de dépendre des autres.
Pour nous aussi, croire, c'est accepter notre aveuglement, oser dire : «Je ne vois pas et je désire connaître ! ».
Or, pour apprendre, ne faut-il pas accepter de ne pas savoir ? Oui, c'est déjà croire que de se tenir au seuil de l'autre, au seuil du mystère de Dieu, comme Bartimée qui est assis au bord du chemin et qui mendie.
La foi est alors cette ouverture humble et pauvre à la vie de Dieu.

Aussi, croire, frères et sœurs, c'est ne pas se résigner à cette situation, c'est crier!
«Fils de David, Jésus, prends pitié de moi !»[1] lance Bartimée.
Sait-il ce qu'il dit ?
Il donne à Jésus de Nazareth le titre de Messie. Dans sa nuit, il a comme une intuition intérieure :
il pressent que le salut va venir de ce Jésus qui passe.
Il ne veut pas manquer la chance de sa vie.
Crier, ne pas se résigner. Dans notre nuit aussi, il y a comme cette intuition simple, un élan qui nous pousse vers Dieu.
Tel ce jeune homme, rencontré il y a quelques mois qui avait été accablé par un malheur, s'écriant :
«Ce jour-là, malgré tout ce qui m'arrivait, j'ai senti : Dieu est là ! Dieu est la Vie ! Cette lumière m'a permis de me remettre debout».
Croire, c'est également cet élan vers Dieu que nous connaissons encore bien mal, cette attirance qui va progressivement se renforcer. Car les doutes peuvent venir :
«Tu rêves, tu te fais illusion, à quoi bon !» comme ces gens qui interpellaient Bartimée pour le faire taire.
Mais la foi de Bartimée est la plus forte, elle ira jusqu'au bout.
Il crie de nouveau.

Frères et sœurs, croire, c'est aussi entendre l'appel de Dieu.
Jusqu'à présent c'était Bartimée qui criait, mais la foi n'est pas seulement notre cri, c'est également celui de Dieu.
Jésus est maître, il fait appeler Bartimée devant lui.
Et la foule l'encourage maintenant.
Croire, c'est certes crier, mais il faut aussi que Dieu me fasse appeler...
Une rencontre, un ami qui nous dit :
«Aie confiance, le Seigneur t'appelle. C'est vrai, il est avec toi». Tout cela nous montre clairement que le Seigneur veut entrer dans notre vie.
Ceux qui, nombreux actuellement, demandent le baptême le savent : il y a leur intuition intérieure, mais des événements, des frères, des sœurs viennent confirmer que Dieu les appelle par leur nom.
«L'aveugle jeta son manteau, bondit et courut vers Jésus.»[2] Moments bouleversants d'espoir !

Et Jésus de demander : «Que veux-tu que je fasse pour toi ?»[3] Question surprenante !
Ne sait-il pas que l'aveugle va lui demander de voir ?
En fait, c'est une question qui honore l'homme.
Frères et sœurs, Dieu prend notre vie au sérieux.
Il faut que librement nous lui demandions notre guérison.

Croire alors c'est répondre à Dieu :
«Seigneur, fais que je vois ! »
Toutes nos demandes sont contenues dans celle de ce frère de misère, Bartimée :
«Seigneur fais que j'aime !»
«Seigneur fais que je pardonne ! »
«Seigneur fais que je vive, enfin ! »...
Nous demandons notre guérison ? Davantage !
Nous proclamons notre confiance en Dieu qui sauve !

Alors Jésus lui dit : «Va, ta foi t'a sauvé.»[4]
Aussitôt, l'homme se mit à voir.
Comment évoquer ce moment unique de la guérison sinon en faisant nous-mêmes mémoire de ces instants où tout a changé de sens, où tout ce qui était entouré de ténèbres est vu dans la lumière.
La paix, premier fruit de la foi, nous envahit.

Est-ce fini ? Non, l'Evangile précise qu'autrefois assis au bord du chemin, Bartimée suit maintenant Jésus sur la route.
Sa foi va s'approfondir.
En effet, la foi n'est pas comme une boule de billard qui a trouvé son trou et qui ne bouge plus. Elle est une marche, une vie.
Au fur et à mesure que nous suivons Jésus sur la route, la foi fait des allées et venues entre une nouvelle prise de conscience de notre aveuglement, notre cri, l'appel de Dieu...
Toutes ces étapes nous les connaîtrons de nouveau, mais pour un approfondissement de la foi qui devient plus forte, plus juste.
Aussi, frères et sœurs, n'ayons pas peur et ne disons pas trop vite que nous ne croyons pas... alors que la foi, en ce moment, est en train de chercher en nous son chemin.    
Amen

Fr. Benoît-Marie

[1] Mc 10, 47.
[2] Mc 10, 50.
[3] Mc 10, 51.
[4] Mc 10, 52.