6° Dimanche de Pâques (B) Jn 15, 9-17

« Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande »

Si nous sommes ici rassemblés pour célébrer l'Eucharistie du Seigneur, c'est probablement parce que nous le cherchons, nous l'attendons, nous l'espérons. C'est peut-être parce que nous pressentons, nous devinons, qu'il est l'Ami véritable, l'Ami divin qui ne peut manquer de répondre à notre appel, à notre soif d'amitié avec lui.

Pour cela, que fait-il ? Il nous invite à faire ce qu'il commande. Que commande -t-il ? La chose à laquelle tout être aspire le plus : l'amour. Aimer.

« Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ».

Si le Seigneur nous a aimés d'un amour divin de par sa nature divine, c'est en revanche par l'amitié humaine avec des hommes et des femmes de son temps qu'il a manifesté cet amour divin, avec ses disciples, avec Marie de Magdala, avec Marthe, Marie, Lazare et combien d'autres encore. Il s'est fait l'ami des publicains et des pécheurs -ce qui lui sera reproché. Il s'est fait le proche des gens que l'on dirait de mauvaise vie et infréquentables. Il s'est fait l'ami de Pierre qui le reniera, l'ami de Judas qui le trahira. Il s'est fait l'ami de Zachée, un publicain. Il s'est fait l'ami d'une Samaritaine qui aura eu cinq maris… Il s'est fait tant d'amis qui ne méritaient pas son amitié avec qui il a partagé du temps, des repas, des moments festifs ; des amis qu'il a visité et dont il a recherché et apprécié la compagnie.

Par son amitié, il a manifesté la proximité de Dieu auprès des hommes. Il a montré un cœur large et ouvert, magnanime et tendre. Toujours prêt à accueillir l'ami repenti sans l'enfermer dans sa médiocrité, dans ses compromissions, dans son péché, rendant toujours possible une réconciliation, il est l'Ami véritable avec un A majuscule capable de réconcilier l'irréconciliable, Dieu et les hommes, le ciel et la terre, le feu et l'eau.

Il s'est fait l'Ami des hommes perdus, réprouvés, exclus pour leur montrer qu'un chemin d'amitié avec Dieu est possible, qu'un chemin en sa compagnie est envisageable. Les compagnons d'Emmaüs en sont les témoins.

 Il se fait notre ami et notre convive. La table de l'Eucharistie en est le signe. Elle est le sacrement de l'Ami silencieux dont la parole murmure dans la grotte de notre cœur comme un souffle léger, dont le regard nous envisage dans la clarté du jour nouveau. Il est l'Ami prodigue qui offre son pain et son vin en abondance.

 Il est l'Ami qui se laisse toucher sans crainte de nos lèpres, de nos souillures. Au contraire, son amitié nous en délivre et nous élève à sa dignité de Fils de Dieu.

Il se fait notre Ami pour nous apprendre à nous aimer les uns les autres, pour nous initier en quelque sorte aux amitiés terrestres et se servir d'elles et ainsi nous préparer à l'amitié divine et éternelle, humaine et immortelle, l'amitié du Royaume à venir.

Nos amitiés humaines sont imparfaites, précaires, limités. Elles sont meurtries qu'on le veuille ou non, qu'on en est conscience ou non par le péché. Elles demeurent ballotées au gré de la vie, des existences, des événements, se font et se défont. Il n'en demeure pas moins qu'elles sont une source précieuse pour apprendre à aimer ; une source d'autant plus précieuse qu'elle peut se tarir. Elles donnent de l'élan, de la force et de l'enthousiasme. Elles sont toujours un ferment d'espérance. Le Seigneur se réjouit des amitiés qui le rapprochent de lui, qui le conduisent vers lui, qui se reçoivent de lui.

N'ayons crainte des amitiés déçues, des amitiés trahies, des amitiés blessées. Au contraire, par notre foi en Jésus-Christ, croyons que toutes les amitiés humaines vécues en vérité dans la joie comme dans la peine, dans la trahison comme dans la fidélité sont promises à se vivre illuminées et purifiées de l'Amour de Dieu au dernier jour.

 Frères et sœurs, rendons grâce au Seigneur, cet Ami prodigieux qui demeure au milieu en nous initiant à demeurer les uns les autres dans son amour par le lien des amitiés. Amen.

Fr. Nathanaël