5° Dimanche de Pâques (B) Jn 15, 1-8
Frères et sœurs, et si notre Dieu était un peu… (excusez-moi le gros mot) tordu… comme le cep et les branches de la vigne ? Jésus dit lui-même : « Je suis la vigne et vous les sarments », et nous savons que les tiges des vignes ne sont jamais toutes droites, mais tordues, souvent noueuses. Il aurait pu dire : « Je suis le cèdre » ou « Je suis le chêne », pour souligner sa droiture, sa noblesse, sa puissance et sa majesté, mais il s'est comparé à une plante beaucoup plus petite, plus tordue dans sa silhouette et plus vulnérable au moindre gel.
En quoi cette image de Jésus qui se compare à une vigne est une bonne nouvelle pour nous ?
1. « Je suis la vigne et vous les sarments », nous dit Jésus. Nous faisons donc partie de cette vigne qu'est Dieu. Nous sommes DÉJÀ en lui. Notre vie, comme des sarments, pousse naturellement du cep. Et c'est une bonne nouvelle pour nous. Pas besoin de mériter quoi que ce soit, de faire un effort pour être nourrit par la vie divine. La sève coule de la Source et circule dans toute la plante, en donnant la croissance même à une petite feuille qui se trouve à une extrémité et qui croit qu'elle vit par elle-même. Jésus dit : « en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. » La vie vient du cep, de Dieu, et elle se diffuse librement dans les sarments, dans nos vies. Tout ce que nous avons à faire, en tant que sarments, c'est demeurer, rester unis à Dieu, puiser à sa vie et permettre aux autres faire de même.
2. La sève circule dans la plante entière. Cela veut dire que toute notre vie, avec son histoire plus ou moins tortueuse, avec tout ce qui s'y passe (agréable ou désagréable, bon ou mauvais, joies et souffrances), tout cela est en quelque sorte embrassé, enveloppé, par Dieu, par son amour, par sa bienveillance. Oui, notre Dieu est étonnant, surprenant, car il embrasse, il sanctifie, il fait fructifier TOUT dans notre vie, pas seulement ce qui est bon, correct, mais aussi nos péchés, nos blessures, ce qui est complexe ou tordu. Pensons à la vie de St Pierre qui a renié Jésus, celle de Marie-Madeleine, de St Augustin, St Ignace de Loyola, St Paul…
Justement, saint Paul, avant d'être saint et Paul, il a été Saul, pharisien, persécuteur des chrétiens, « tous avaient peur de lui », nous dit la première lecture (Ac 9). Tous n'étaient pas d'accord pour l'accueillir dans la communauté des chrétiens. Certains « cherchaient même à le supprimer ». Seul Barnabé l'a accueilli au début. Il n'a pas eu peur de l'histoire tortueuse, pas très sainte, de Saul. Il a compris que même ce qui est tordu dans l'homme peut être fécond, comme des sarments tordus de la vigne. Rien n'est perdu pour Dieu. Et c'est une bonne nouvelle pour nous. La fécondité de notre vie, comme celle de Paul, est possible grâce à la sève divine, la vie de Dieu, qui circule en nous, et grâce à la capacité de la communauté à nous accueillir tels que nous sommes, nous donner une nouvelle chance, si c'est nécessaire.
3. Bien sûr, le discernement n'est pas toujours aisé. Dans l'histoire tortueuse de l'Église nous avons des exemples des impasses, des branches qui ont séchées. Cela fait partie du risque. Mais le fait d'avoir la possibilité de discerner est une bonne nouvelle pour nous. Parce qu'avoir la possibilité de discerner, c'est être libre, c'est admettre que nous n'avons pas des réponses toutes faites, que nous ne sommes pas sous l'emprise d'un dieu dictateur, que nous avons le choix, que tout est possible. Autrement dit, notre vie peut être différente de celle que nous imaginons qu'elle devrait être. Saul, avant de devenir Paul n'imaginait pas d'être chrétien ; et la communauté chrétienne, avant de l'accueillir, n'imaginait pas l'impact positif qu'il aurait sur elle, sur son histoire. Notre Dieu est un Dieu des possibilités infinies. Et l'histoire de l'univers nous le montre parfaitement.
Frères et sœurs, le Seigneur est la vigne et nous les sarments. Les branchages de la vigne poussent spontanément au gré de la vie, de l'imprévisible, dans de différents sens. Et Dieu est toujours là, même si les branches sont tordues, noueuses. La sève continue à les alimenter.
Alors, aujourd'hui, demandons au Seigneur de nous aider à croire que nos vies, nos histoires parfois tortueuses, avec ce qui en elles est beau et laid, ont de la valeur, car elles sont unies à l'histoire de Dieu. C'est lui qui fait de notre histoire l'histoire sainte.
fr. Maximilien