5° Dimanche du TO*B Mc 1, 29-39
« Vraiment, la vie de l'homme sur la terre est une corvée » nous dit aujourd'hui le livre de Job en première lecture. En voilà une étrange Bonne Nouvelle pour ce dimanche. Et en écho à ce gémissement, à cette plainte, voilà que l'Evangile du jour nous montre la belle-mère de Pierre malade, atteinte d'une fièvre, d'une sorte de feu interne destructeur si l'on retient l'étymologie du mot grec utilisé dans le texte source. Dévorée par son mal, par sa fièvre, cette femme est comme paralysée. Délivrée de sa fièvre par Jésus, la voilà se mettant calmement au service des siens, de ses hôtes. Voilà qu'au tout début de sa prédication publique,
Jésus délivre donc une belle-mère d'une fièvre maligne tout comme il délivrera bien plus tard la fièvre destructrice et meurtrière de Saul de Tarse persécutant les premiers chrétiens. Fièvre meurtrière que trop d'exemples pourraient malheureusement illustrer encore aujourd'hui. Fièvre ou fébrilité qui devrait donc être étrangère à toute personne de bonne volonté et spécialement à ceux qui veulent suivre Jésus en vérité. Etrangère et pourtant pouvant être si souvent présente cette fièvre qui va nous empêcher de vivre, ce mal aux multiples visages mais dont l'un des plus pernicieux serait ce que les premiers moines de l'antiquité jusqu'à certains théologiens actuels appellent l'acédie. L'acédie, véritable maladie de l'âme, qui pourrait se résumer, comme pour Job, en un dégoût de l'existence pouvant se traduire par de multiples manifestations dans lesquelles, chacun d'entre nous pourrait peu-être se retrouver plus ou moins : dégoût, paresse, tiédeur, indifférence, désespoir, découragement, médiocrité, minimalisme, instabilité, activisme désordonné, morosité, langueur, relâchement, angoisse, doute, infidélité, recherche de compensations, torpeur, et la liste pourrait continuer. Oui, chacun d'entre nous pourrait peut-être faire sienne l'une ou l'autre de ces manifestations de l'acédie qu'un moine antique, Evagre le Pontique, croit pouvoir regrouper, outre ce dégoût de la vie, dans ce qu'il voit comme une fuite, fuite de soi-même, fuite de l'autre, fuite de la communion avec les autres, fuite de Dieu, fuite de la vocation à laquelle Dieu appelle, bref, comme un refus d'assumer sa condition et son incarnation d'homme ou de femme. Bien sûr, des thérapies pourraient être trouvées à ce mal de vivre mais aujourd'hui, que ce soit Job, la belle-mère de Pierre ou Paul... c'est bien la rencontre avec leur Dieu vivant, et particulièrement de Jésus pour les deux derniers, qui les a libérés de leur fièvres mortelles ou mortifères. Et plus spécialement pour Paul, d'un feu destructeur qui le possédait, le voilà à présent habité d'un zèle ardent à témoigner de cet incroyable amour dont il a été atteint, blessé irrémédiablement au point de s'exclamer : « Malheur à moi si je n'annonçais pas l'Evangile ! » Malheur à moi si je gardais pour moi cette merveille. Oui, à la plainte de l'homme accablé pour qui l'existence est un insupportable fardeau, répond ce cri de l'apôtre touché au plus intime par cet amour de Dieu qui l'a rejoint de façon unique et qui encore aujourd'hui cherche à rejoindre chacun d'entre nous. Osons croire à la grandeur de la vocation à laquelle Dieu nous appelle qui est de participer au dynamisme de sa vie, à son amour, à être des vivants à la face du Vivant, chacun à sa façon. Oui, la vie de l'homme est vraiment une corvée si elle n'est pas rejointe, si elle ne se laisse pas rejoindre par Christ Jésus au plus profond de nos détresses, maladies mais aussi espérances folles. Et soyons certains que Jésus n'est pas en manque d'inventivité parfois déconcertante pour nous rejoindre à travers bien des évènements, paroles, rencontres, bref, à travers bien des médiations dont l'Eglise en ses faiblesses et beautés n'est pas la moindre.
frère Philippe-Joseph