6° Dimanche du TO*B Mc 1, 40-45

Je le veux, sois purifié ! Je le veux ! parole extraordinaire ! Avec quelle force, avec quelle joie, nous pouvons dire : « que ta volonté soit faite ! » puisque la volonté de Jésus, la volonté du Père, c'est notre guérison, notre bonheur, la vie et la joie, la liberté ! A nous qui hésitons, qui tergiversons, Jésus dit : « Je le veux ! »

Quand nous disons la prière que Jésus nous a enseignée, le Notre Père, comment comprenons-nous cette demande : « que ta volonté soit faite » ? Est-ce que cela veut dire « que nous fassions la volonté de Dieu » comme quelqu'un qui fait les quatre volontés de son supérieur pour s'en rendre agréable et gagner ses bonnes grâces ? Autrement dit « que ta volonté soit faite » serait une injonction à une obéissance intéressée, craintive, méritoire ? Obéissance à quoi ? à la loi de Dieu, aux dix commandements de Dieu et aux sept commandements de l'église ? Il ne s'agirait plus dès lors d'un dialogue entre le priant et Jésus, mais d'une soumission passive à une volonté extérieure, c'est-à-dire, une aliénation de notre volonté !

Que faisons-nous de l'apostrophe de saint Paul : « si le Christ vous a libérés, c'est pour que vous soyez vraiment libres ! »

Pour mieux comprendre la liberté que Dieu veut pour nous en Jésus en disant « je le veux », lisons d'un peu plus près ce passage de l'évangile de Marc. D'abord, geste surprenant, Jésus touche le lépreux. Or, d'après la Loi mosaïque à laquelle lui-même était soumis, Jésus, en touchant le lépreux, se rend lui-même impur et se trouve donc exclu des relations ordinaires pendant le temps fixé par cette loi. Et que Jésus demande-t-il au lépreux en reconnaissance de sa guérison ? de faire ce que Moïse a prescrit dans la Loi : faire constater sa guérison par un prêtre et faire une offrande à Dieu. Mais ensuite, que fait Jésus lui-même ? Marc nous dit « qu'il ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville, mais restait à l'écart, dans les endroits déserts » Or c'est précisément ce que la Loi demandait aux lépreux comme nous l'a rappelé tout à l'heure la lecture du livre des Lévites : « Tant qu'il gardera cette tache, le lépreux sera vraiment impur. C'est pourquoi il habitera à l'écart, son habitation sera hors du camp. ». Jésus, qui guérit le lépreux, se comporte comme un lépreux ! Jésus n'a pas péché, mais il a pris sur lui, pour nous guérir, les conséquences de la lèpre de nos péchés. C'est ce qu'avait vu d'avance le prophète Isaïe dans ce magnifique oracle que nous lirons le jour des Rameaux.

Nous voyons se révéler peu à peu sous nos yeux, l'agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde en les prenant sur lui. C'est ce que préfigurait le baptême que Jésus voulut recevoir de Jean-Baptiste dans le Jourdain pour inaugurer sa mission. L'attitude et l'enseignement de Jésus depuis son baptême jusqu'à la Croix sont absolument cohérents d'un bout à l'autre. Ayant pris notre lèpre jusqu'à la mort, il tue notre péché par sa mort comme nous le dit saint Paul et il peut, dès lors, nous entraîner dans sa résurrection.

« Je le veux ! » la volonté de Dieu c'est notre sanctification, dira saint Paul. En Jésus, Dieu le Père nous veut libres de tout péché, de toute entrave pour vivre et aimer. S'il y a une obéissance à la volonté de Dieu, c'est l'accueil de la liberté qu'il nous offre gratuitement, tout le reste n'est que le fruit de notre reconnaissance pour le don reçu, indépendamment de tous nos efforts et mérites. Le seul mérite du lépreux a été de supplier Jésus.

A chaque fois que nous disons le « Notre Père », entrons joyeusement dans la volonté de Dieu, accueillons-la et partageons-la par notre témoignage auprès de tous nos frères les hommes. Et qu'ainsi notre propre volonté s'accorde librement à la sienne pour sa gloire et le salut du monde.

Terminons par cette remarque pleine de sagesse et d'humour de Madeleine Delbrêl :
Notre grande douleur, Seigneur, c'est de vous aimer sans joie, ô vous que nous « croyons » être notre allégresse, c'est d'être cramponnés sans aisance et sans grâce à votre volonté qui nous meut dans nos jours.

Fr. Pierre