31° Dimanche du TO*B Mc 12, 28b-34
Frères et sœurs, notre savoir, le savoir humain sur notre monde, sur l'univers, ne cesse d'augmenter. Grâce à la recherche dans de différents domaines, nous constatons à quel point notre univers est riche et complexe, aussi bien le micro-cosmos que le macro-cosmos. Cela concerne aussi nos relations, notre fonctionnement personnel et même la Parole de Dieu que nous lisons dans la Bible. Comment nous retrouver dans cette complexité ? En mathématiques, il est possible de simplifier un calcul, de réduire une expression mathématique à une forme plus concise, tout en préservant son équivalence. Aujourd'hui Jésus fait quelque chose de semblable, en répondant à la question du scribe. En fait, parmi les 613 préceptes de la Loi, lequel est le premier, le plus important ? Jésus répond : c'est l'amour : l'amour de Dieu, de soi-même et du prochain comme soi-même. C'est un seul commandement avec trois déclinaisons. Comme nous n'avons qu'un seul cœur, nous n'avons qu'un seul, le même, amour : pour Dieu, pour nos prochains et pour nous-mêmes. Un en trois.
Jésus a incarné dans sa personne et dans sa vie cette équation. Il a montré que l'amour est plus qu'un sentiment. Il est notre vraie nature, il est notre essence qui se manifeste dans notre manière d'être. Plus nous vivons en harmonie avec nous-mêmes, plus nous sommes nous-mêmes, plus nous sommes amour. Et plus nous aimons, plus nous devenons nous-mêmes. Comme dans la vie du Christ, l'amour va de pair avec la liberté et la gratuité. Il n'est pas la possession de l'autre. Il n'est pas non plus quelque chose de mièvre, naïf, toujours gentil. L'amour c'est l'éternité. Vivre l'amour, c'est vivre l'éternité. Vivre l'amour dans le temps, c'est toucher Dieu dans l'éternité, c'est toucher le royaume de Dieu qui est déjà parmi nous et en nous.
Frères et sœurs, on raconte qu'il était une fois, une île où tous les différents sentiments vivaient : le Bonheur, la Tristesse, le Savoir, la Vanité, la Richesse, l'Amour et de nombreux autres sentiments. Un jour on annonça aux sentiments que l'île allait couler. Ils préparèrent donc tous leurs bateaux et partirent. Seul l'Amour resta. L'Amour voulait rester jusqu'au dernier moment. Quand l'ile fut sur le point de sombrer, l'Amour décida d'appeler à l'aide.
En cherchant, il remarqua un énorme bateau richement décoré qui passait. À bord se trouvait la Richesse. « Richesse, peux-tu m'emmener ? » a demandé l'Amour. « Non, je ne peux pas. Dans le bateau, il y a beaucoup d'or et d'argent. Il n'y a pas de place pour toi », a répondu la Richesse.
L'Amour décida alors de demander de l'aide à la Vanité, qui naviguait sur un magnifique navire de luxe. « Vanité, aide-moi, je t'en prie ». « Je ne peux pas t'aider. Tu es tout mouillé et tu pourrais salir mon bateau », a répondu la Vanité.
La Tristesse étant à côté, l'Amour lui demanda : « Tristesse, laisse-moi venir avec toi. » « Oh… Amour, je suis tellement triste que j'ai besoin d'être seule avec moi-même ! Je ne peux pas t'aider »
Le Bonheur passait aussi, mais il était si heureux qu'il n'entendît même pas l'Amour l'appeler !
Soudain, l'Amour, désespéré, entend une voix : « Amour, viens ici. Je te prends avec moi ». C'était un vieillard qui venait de parler. L'Amour se sentit si reconnaissant et plein de joie qu'il en oublia de demander son nom au vieillard. Lorsqu'ils arrivèrent sur la terre ferme, le vieillard s'en alla. L'Amour réalisa alors combien il lui devait et demanda au Savoir : « Qui c'était qui m'a aidé ? » « C'était le Temps », répondit le Savoir. « Mais pourquoi le Temps m'a t-il aidé ? », se demanda l'Amour. Le Savoir sourit plein de sagesse, et répondit : « C'est parce que seul le Temps est capable de comprendre à quel point l'Amour est grand et merveilleux, combien il est important dans la Vie. »
Oui, le temps nous montre que ce qui vaut la peine de vivre le plus, ce n'est pas tant la richesse, les biens matériels ; ce n'est pas d'abord une réussite sociale, accompagnée d'une autosatisfaction ; ce n'est pas non plus le bien-être, le confort, le bonheur, bien qu'ils aient une place dans la vie. Mais c'est l'amour qui surpasse tout. Comme dit Christian Bobin, « L'amour est la substance épurée du réel, son atome le plus dur. L'amour est le réel désencombré de nos amours imaginaires. (…) L'amour c'est quand quelqu'un vous ramène à la maison, quand l'âme revient au corps, épuisée par des années d'absence » (L'épuisement, p. 31 et 18).
Frères et sœurs, que, dans le temps, l'Esprit Saint nous ramène à la maison, à la présence à l'amour, au réel divin.
fr. Maximilien