3° Dimanche de Carême B Jn 2, 13-25

Le Seigneur fait un fouet avec des cordes et chasse les vendeurs, les changeurs du Temple. Il jette par terre la monnaie, renverse les comptoirs. Colère, violence du Seigneur. Pourquoi ? Parce que le Temple, lieu sacré de la présence divine, tend à devenir un lieu de commerce, un lieu d'affaires économiques sous prétexte de religion et de sacrifice. Parce que l'amour du Seigneur pour la maison du Père fait son tourment. Parce qu'il voit l'idolâtrie de son peuple le garder captif et que le veau d'or n'est peut-être pas si loin.

Faudrait-il s'affliger de cette colère ? Faudrait-il s'en attrister parce qu'elle montre une image de Jésus moins consensuelle et gentille que celle dont nous sommes peut-être trop habitués ?

Au contraire, le Seigneur provoque, choque pour annoncer la fin de tous les sacrifices, pour annoncer la fin d'un Temple et le relèvement d'un nouveau : lui-même. Il vient pour nous libérer de la Loi, pour nous délivrer du légalisme religieux. Il vient au Temple pour s'offrir au Père, offrant par là-même le salut au genre humain par sa propre vie. Il veut nous offrir sa prodigieuse liberté, sa puissance de vie pour nous enraciner avec lui dans le cœur de son Père. Il veut nous porter vers les hauteurs des cieux depuis ce très-bas de la terre. Il vient relier l'homme à Dieu et se faire le passeur du divin à l'humain et de l'humain au divin. Parce qu'il est la demeure visible de l'Esprit, le visage du Père, parce qu'il est le pont tendu entre le ciel et la terre, il nous ouvre l'accès à son royaume, l'accès à ses demeures célestes.

Son amour veut nous plonger dans ses profondeurs. Son amour veut nous chercher de l'intérieure. Car le Seigneur nous cherche au-dedans, au tréfonds de nous-mêmes. Car, en vérité, il est déjà là, présent, vivant, caché. Il demeure au plus intime de notre être. Il nous appelle. Il nous guette. Il nous murmure son impatience d'appartenir à chacun pour que nous fassions nôtre sa plénitude. Il nous espère comme un mendiant de l'amour.

Son amour déborde tellement qu'il emporte toutes nos compromissions, tous nos marchandages. Il efface nos lâchetés, nos hypocrisies. Il brûle nos dehors respectables et polis qui bien trop souvent ne masquent que notre indigence foncière face à sa divine personne. Voilà, le fruit de sa colère. Voilà, le don de sa munificence.

Ne craignons jamais la colère de Dieu car cette colère n'est ni celle de la rage ni celle de la haine, mais celle de la miséricorde, celle de l'Amour qui veut que tous les hommes soient sauvés.

Se révélant le Temple vivant de toute éternité, le Seigneur fait de nous des temples de sa présence, des temples de sa grâce. La vérité de notre cœur, de notre âme, de notre esprit, c'est lui au plus intime de nous-mêmes par la grâce de notre baptême. L'avenir de notre corps mortel, c'est son corps glorieux. L'obscurité de nos ténèbres, c'est le passage vers sa lumière.

Frères et sœurs, notre Temple est vivant car notre Temple c'est Dieu même. Le Seigneur nous contient en nous laissant le contenir. Il nous vivifie en nous laissant le mettre à mort et ressusciter le troisième jour. Il nous élève en nous laissant l'humilier. Il nous sauve en nous laissant mourir au péché. Qu'il soit pendant ce carême au moins la pensée de notre cœur, l'action de notre corps, l'intelligence de notre discernement. C'est peut-être trop demandé, c'est peut-être trop illusoire, qu'importe pourvu que nous gardions toujours le désir de naître le troisième jour avec lui et de devenir avec lui, Temple de sa gloire.

Amen.

fr. Nathanaël