4° Dimanche de Carême B Jn 3, 14-21
Quelle image étonnante, frères et sœurs ! Pourquoi Jésus se compare-t-il à un serpent élevé dans le désert ? La comparaison est vraiment surprenante. Pourtant, il nous faut la décrypter pour profiter pleinement du sens de l'Evangile de ce dimanche.
D'où vient cette histoire de serpent ? Rappelons-nous, le peuple des Hébreux est au désert. Il murmure contre Dieu et se voit infliger la morsure mortelle de nombreux serpents. Nous lisons dans la Bible et plus précisément dans le livre des Nombres :
«Le peuple vint vers Moïse et dit : 'Nous avons péché, en récriminant contre le Seigneur et contre toi. Intercède auprès du Seigneur pour qu'il éloigne de nous les serpents.' Moïse intercéda pour le peuple, et le Seigneur dit à Moïse : 'Fais-toi un serpent brûlant, et dresse-le au sommet d'un mât : tous ceux qui auront été mordus, qu'ils le regardent, alors ils vivront !'» (Nb 21, 7-8)
Que voient les Hébreux lorsqu'ils lèvent les yeux ? Un serpent de bronze. D'un même regard, ils saisissent, d'une part, le symbole de leur péché, de leur mort, et d'autre part, le symbole de ce qui les sauve et leur donne la vie. Voilà pourquoi, frères et sœurs, Jésus parle de lui-même comme d'un serpent qui sera élevé. En effet, lorsque nous regardons Jésus en croix, nous y voyons à la fois un homme mort à cause de nos péchés et ce même homme, notre Sauveur, qui nous sauve de la mort. Dans un même regard, nous voyons le châtiment que nous aurions dû subir et celui qui a pris ce châtiment à notre place.
Ainsi, nous contemplons sur la croix la condamnation que nous méritons et le juge qui a choisi de ne pas nous faire subir cette condamnation. N'est-ce pas cela le véritable jugement de Dieu ? Non pas punir les mauvais et prendre les bons. Mais donner la vie à celui qui reconnaît ses fautes et regarde son Sauveur. Comme l'exprime l'apôtre saint Jacques dans sa lettre, dans un raccourci stupéfiant :
«La miséricorde l'emporte sur le jugement.» (Jc 2, 13)
Tel est, précisément, le génie de Michel-Ange dans le Jugement dernier de la chapelle Sixtine. À la différence de l'iconographie classique, ce ne sont pas les bons à droite et les mauvais à gauche. Il y a ceux qui, de tout en bas, lève les yeux vers Jésus et sont attirés dans sa gloire. Et il y a ceux qui chutent car ils ne regardent pas leur Sauveur. Ce qui compte, c'est de regarder Jésus Christ et d'appeler sa miséricorde. Nous comprenons mieux alors l'enseignement du Christ dans l'Evangile de ce jour :
«Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. Celui qui croit en lui échappe au Jugement.» (Jn 3, 17-18)
Chers frères et sœurs, je vous propose, dans ces dernières semaines de carême qui nous rapprochent de la Passion, de redécouvrir la prière devant la croix. Qu'il est bon de prier en levant les yeux vers la croix de notre chambre, de notre chapelle, de notre église. Nous y voyons Jésus, le crucifié. Nous y voyons notre propre péché qui l'a crucifié. Cependant, nous y voyons surtout l'amour de Jésus Christ pour le pécheur. Nous y voyons celui qui est condamné précisément parce qu'il n'a pas voulu nous condamner. Nous y voyons le pardon de Dieu. Nous y voyons la miséricorde du Seigneur.
L'apôtre saint Paul l'exprime admirablement dans sa Lettre aux Éphésiens, passage que nous avons accueilli il y a quelques instants dans la deuxième lecture de ce jour :
«Dieu est riche en miséricorde ; à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions des morts par suite de nos fautes, il nous a donné la vie avec le Christ.» (Ep 2, 4-5)
Nous sommes donc aujourd'hui le quatrième dimanche de carême, le dimanche de la joie. Frères et sœurs, cette vraie joie ne provient-elle pas de la certitude que dans nos faiblesses, dans nos fragilités, dans nos péchés, nous pouvons lever les yeux vers le Christ Jésus en toute assurance, en toute quiétude, lui notre seul pardon !
Amen.
F. Benoît-Marie