29° Dimanche du TO*B Mc 10, 35-45

Qui de nous, ici, n'a pas souffert, un jour, de ne pas se sentir compris par l'un de ses proches : époux, épouse, frère, sœur, frère en communauté, ami ? Il a ressenti alors – de manière infinitésimale bien sûr - quelque chose de cette solitude indicible que Jésus a connue au jardin de l'agonie, quand tous ses disciples l'abandonnent et s'enfuient…

Dans l'évangile de ce jour jésus, en effet, n'est pas compris de ses disciples  les plus proches : ni Pierre et Jean, ni les dix autres qui s'indignent n'ont rien compris au mystère de Jésus. Ils ne comprendront mieux qu'après la résurrection car, en Jésus mort et ressuscité, s'opère et s'accomplit un renversement radical, une « révolution »  dans la compréhension du mystère de Dieu lui-même.

Dieu n'est plus le « Très Haut » caché dans le ciel, il est devenu le « Très bas » dans l'Homme Jésus qui reconnaît sa limite humaine réelle : « Quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, ce n'est pas à moi de l'accorder… » Dieu est descendu des hauteurs. Dans les années soixante, le soviétique athée Gagarine, premier homme propulsé dans l'espace, reconnaissait à son retour : « Le ciel est vide ; je n'ai pas rencontré Dieu ». Heureusement ! Le vrai Dieu, celui que manifeste Jésus, est dans l'Homme, dans la profondeur de l'Homme, jusque dans la souffrance et la mort. Déjà Isaïe, dans la première lecture l'annonce : « Broyé par la souffrance, le Serviteur a plu au Seigneur… Le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs fautes. » et, dans la Lettre aux Hébreux : « En Jésus, le Fils de Dieu, nous avons un grand prêtre éprouvé en toutes choses, à notre ressemblance, excepté le péché ».

Dieu est Amour absolument gratuit et le mouvement de cet Amour, pleinement manifesté en Jésus, le seul Serviteur absolument juste, plus encore, le Fils Unique de Dieu, est de descendre, de s'abaisser vers l'homme, dans l'homme. Le vrai Temple où Dieu demeure c'est l'homme Jésus, le cœur et le corps humain de Jésus et, par le don de l'Esprit de Dieu, le cœur et la personne de chacun et chacune de nous.

L'incompréhension de Pierre et de Jean et des dix autres, dans notre évangile – notre incompréhension - se manifeste dans le désir de vouloir arriver à Dieu, à son Royaume, pouvoir siéger avec Jésus, participer au pouvoir, arriver à dominer en nous tout ce qui, à nos yeux, nous empêche d'aimer Dieu et nos frères et sœurs en humanité… Et nous n'y arrivons jamais ici-bas… parce qu'un seul y est arrivé pleinement : l'Homme Jésus, au masculin, et, par grâce, au féminin, Marie sa mère. Jésus y est arrivé « à notre place ». Aussi, désormais, n'y a t il plus d'autre chemin que Jésus pour entrer dans le Royaume de l'Amour. Il nous faut aussi descendre de plus en plus profond en nous même pour chercher et trouver Dieu qui, présent par Son Esprit, vient aimer en nous comme le Christ nous a aimés en mourant et ressuscitant pour nous.

Et c'est bien cela que nous célébrons en cette eucharistie, le mouvement descendant de l'Amour qui se donne ; et cela, du début à la fin de la célébration : dès l'entrée, il nous est rappelé que dans notre relation à Dieu, il ne s'agit pas de prétendre « arriver » à la communion d'amour, mais de « partir de » cette communion : « La grâce de Jésus le Seigneur, l'amour de Dieu le Père et la communion de l'Esprit Saint soit toujours avec vous ». Parce que nous partons de cette communion d'amour, nous pouvons nous reconnaître pécheurs sans désespérer. Et puis le Seigneur, dans son Amour indicible, descend jusqu'à nous. Il se fait pain et vin, nourriture et boisson, afin que sa Vie devienne notre vie, son amour, notre amour. Ainsi, sans jamais nous décourager, en essayant chaque jour d'aimer davantage, nous cheminerons, portés par Jésus, jusqu'à la maison du Père. Amen !

P. André-Jean