28° Dimanche du TO*B Mc 10, 17-30
Que dois-je faire ? Que vais-je bien pouvoir faire ? Comment faire ? Pour quoi faire ? Combien de fois nous posons-nous cette question banale ? Par contre, la suite de la question du jeune homme riche à Jésus est moins banale : « que dois-je faire… pour avoir la vie éternelle en héritage ? »
Le jeune homme est riche et il désire avoir encore plus, il veut s'assurer un héritage ! Avoir, avoir, avoir, accumuler… la société de consommation n'est pas une invention moderne, le besoin de sécurité par l'accumulation des biens est inhérent à notre nature. Trois lieux illustrent cette manie : le cartable des écoliers, le sac à main des femmes, les poches des hommes.
Jésus n'élude pas la question du jeune homme mais, en bon pédagogue, il répond en le renvoyant à son univers culturel : la Loi de Moïse dont l'observance est censée procurer le bonheur. Et le jeune homme donne une bonne réponse qui sous-entend que l'observance de cette Loi ne lui a pas apporté la plénitude qu'il attendait… « Tout cela je l'ai fait depuis ma jeunesse… que me manque-t-il encore ? » il est encore taraudé par la question de l'avoir et du manque…
Arrive la réponse déconcertante de Jésus : « ce qui te manque ? c'est ce que tu as en trop ! » Tu crois qu'il te manque quelque chose ? Mais non, tu en as trop ! débarrasse-toi de tout cet encombrant fatras et, devenu léger, suis-moi… ! Ne te débarrasse pas seulement de tes biens matériels mais de ta vanité, de ton illusion de tout faire bien comme il faut, BCBG !
Hélas pour le jeune homme : bonjour tristesse !
Mais, encore plus surprenante surprenante, la réaction des disciples de Jésus et de Pierre. Ils connaissent pourtant bien Jésus et partagent sa manière de vivre. Ils ont tout quitté pour le suivre… Mais les voilà qui raisonnent dans le même registre que le jeune homme riche « et nous, quelle sera notre récompense ? »
« Impossible à l'homme ! » Accumulation des biens, qu'ils soient matériels ou spirituels, impossible à l'homme comme à un léopard de changer de peau ! Nous tenons à nos biens et à nos mérites comme à notre peau ! Impossible à l'homme, mais possible à Dieu ! C'est ce qui s'appelle la grâce, le don gratuit de l'amour de Dieu, ce don qui nous tire de la tristesse pour nous faire entrer dans la joie de Dieu ! « Bon et fidèle serviteur, entre dans la joie ! »
Le Nouveau Testament nous donne l'exemple d'un jeune homme riche qui a accepté de tout perdre avec Jésus pour le suivre : saint Paul. « Toutes ces richesses de la naissance, de l'éducation, de l'intelligence, de la pratique fidèle de la Loi, je les ai considérées comme du fumier, une perte, en regard de la connaissance de Jésus, lui qui n'a pas revendiqué le rang qui l'égalait à Dieu, mais qui s'est anéanti pour devenir semblable aux hommes… De riche il s'est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté ! » Pour Paul, cela ne s'est pas fait tout seul : « il t'est dur de regimber sous l'aiguillon » lui dit le Seigneur avec, en prime, un ange chargé de le souffleter dont il demande la libération à trois reprises, ce qui lui attire la réponse « ma grâce te suffit ! », parallèle à la remarque de Jésus : « tout est possible à Dieu ! » Paul, comme Jésus, passe pour fou aux yeux du monde, folie de Dieu plus sage que les hommes !
Folie de saint François et de sainte Claire et de leurs premiers compagnons. Avec Jésus et saint Paul, ils ont reçu le plus bel héritage : la joie ! Laudato si, laudato si, laudato si ! Avant d'être un programme, un « faire », laudato si est une joie, une danse qui accueille la création comme un don gratuit et précieux.
Chers amis, ne refusons pas la joie qui nous est offerte, gratuitement, surabondamment, la joie pascale. Que la joie rayonne sur nos visages quand nous recevrons tout à l'heure celui qui, par amour, se fait pauvre dans le pain eucharistié afin que nous devenions tout avec Lui et partagions la plénitude de son amour.
f. Pierre