Nuit de Noël Lc 2, 1-14
Chers frères et sœurs, en cette nuit de Noël, je voudrais vous poser une question un peu incongrue : êtes-vous heureux ? Vous allez sûrement me répondre, pour la plupart d'entre vous : « Évidemment, puisque c'est Noël, nous sommes réunis en famille avec les enfants, et tout le monde est dans la joie ! ». Mais vous ne trouvez pas qu'il y a malgré tout une petite pointe de nostalgie dans cette fête, surtout pour nous, les adultes ? Même quand la soirée se passe bien, et qu'il n'y a pas d'accrochage avec le beau-frère ou la belle-mère, que le dîner est parfait, et que les enfants sont contents de leurs cadeaux, il n'empêche qu'il y a toujours un petit quelque chose qui vient nous titiller à l'intérieur, et qui nous incline à la tristesse.
D'où vient cela ? Il me semble que cette sourde angoisse est provoquée par le fait que nous nous rendons compte que nous ne savons plus vraiment nous réjouir comme les enfants. À leur contact, nous prenons conscience que nous avons largement perdu la capacité d'émerveillement et d'innocence que nous avions à leur âge. Cet enfant intérieur qui est en nous, nous avons tellement de mal à le retrouver ! Il nous faut donc partir à sa recherche, comme les bergers qui se mettent en route vers la crèche... En quelque sorte, on peut dire que Noël ravive chaque année la flamme de notre enfant intérieur qui est sur le point de s'éteindre. Cela nous donne de la joie, car la flamme donne de la lumière ; mais aussi de la tristesse, car cette flamme nous brûle et nous purifie de tous nos attachements. Nous savons qu'il est là, cet enfant, mais il nous est bien difficile d'y accéder car il est emmaillotté de langes, caché dans une mangeoire, avec des animaux autour de lui. Il fait nuit dehors, et nous manquons de lumière pour le trouver. Heureusement, nous ne sommes pas seuls dans cette quête. Une étoile nous guide pour marcher vers lui. La découverte de l'enfant intérieur nous fait passer du froid et de l'obscurité à la chaleur d'une lumière bienfaisante.
Cet enfant qui est en chacun de nous, vous l'avez compris, c'est Jésus, le Christ caché au fond de notre cœur. Notre cœur qui est recouvert de tout un tas de voiles, à cause de notre misère et de notre péché. C'est pour cela que l'Emmanuel doit naître et se manifester, afin de venir à notre secours, en brisant les jougs de l'oppression. Tous ces fardeaux que nous portons, et qui nous empêchent de rester dans la gratitude, dans la joie. Si nous sommes tristes, c'est parce que nous sommes liés, enchaînés à la prétention de tout savoir et de tout mesurer. Les enfants, eux, ont tout à apprendre, et ils s'émerveillent de connaître. Leur désir est intact. Ils ont la flamme en eux. Nous, les adultes, nous sommes bien souvent dépressifs, car nous avons perdu cette chaleur de l'amour. Un immense sentiment de vanité et de saturation nous a envahis. Il n'y a pas de place dans la maison commune. Il nous faut donc retrouver la « bienheureuse espérance » dont parle saint Paul dans la deuxième lecture. Pour cela, le Christ nous est donné, afin que nous retrouvions notre filiation, notre relation avec le Père. Un enfant nous est né, un fils nous est donné, éternelle est sa puissance. Oui, elle est là, la vraie force qui est en nous, c'est celle de l'enfant intérieur, Jésus, le Fils de Dieu. Il vient pour nous sauver en nous montrant le chemin de notre humanité. Amen.
Fr. Columba