Mercredi des Cendres Mt 6,1-6.16-18

Frères et sœurs, dans ce passage de l'évangile de Matthieu, où est normalement insérée la prière du Notre Père, située entre la recommandation sur la prière et celle sur le jeûne, nous voyons qu'il est question d'extériorité et de théâtralité, devant lesquelles Jésus oppose une autre attitude, qui est celle du secret. Pas le secret qui cache le mal, mais le secret qui recouvre le bien, comme un voile de pudeur.

Nous sommes habitués au fait de cacher le mal, car nous n'en sommes pas fiers. Pour cela, nous mentons, nous ne disons pas tout. Mais le bien, pourquoi le maintenir dans l'ombre, et vouloir le cacher ? Est-il honteux de faire le bien, et de le montrer ? Comme une partie intime qu'il ne faudrait pas dévoiler au grand jour ? Effectivement, il y a quelque chose d'indécent à vouloir étaler sa vertu sur les places publiques, et à la répandre partout, comme si c'était la nôtre, et qu'elle nous appartenait. Or, saint Paul dit bien, dans la deuxième lecture, que nous devenons justes par la justice de Dieu, et que nous sommes ses coopérateurs, des ambassadeurs du Christ. Dieu seul peut donner la récompense, et non les hommes, car c'est de lui que vient tout don parfait. Vous serez parfaits, comme votre Père céleste est parfait. C'est ce verset qui est placé juste avant le passage d'aujourd'hui, et que nous avons entendu dimanche dernier. Dieu est la source de la perfection, et lui seul peut donner la récompense. A vouloir chercher auprès des hommes cette  récompense, on en vient à être dépendant vis-à-vis d'eux. Comme si c'était le monde qui nous couronnait pour nos bienfaits, avec la médaille du mérite, ou la légion d'honneur. Non, le salaire est donné dans le secret. Personne n'a rien vu, sauf le Père. Le secret est protégé, gardé intact comme une peinture très ancienne qui ne peut rester à la lumière, au risque de se détériorer. Juste après notre passage, Jésus expliquera qu'il s'agit d'amasser des trésors dans le ciel, et non sur la terre ; afin d'éviter que cette richesse ne soit corrompue. Car le bien peut s'altérer, quand il est en contact avec l'extérieur, avec ce qui est mondain. Où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. C'est dans le secret du cœur que tout bien doit rester.

Frères et sœurs, il s'agit de sortir de la comparaison entre nous, et de nous attacher à Dieu et à lui seul. L'esprit du monde nous pousse à l'extériorité, à la célébrité. Il faut se montrer, être dans la course, dans la compétition. La foi peut être contaminée par cette mondanité, et perdre de sa pureté et de sa gratuité. Retournons donc à l'essentiel, en revenant au cœur profond, à notre chambre intérieure où Dieu réside. Demandons-lui, pendant ce temps de carême, de donner un nouveau souffle à notre don qui vient de sa grâce. Que les cendres que nous allons recevoir dans un instant nous aident à opérer ce retour à l'essentiel, dans l'authenticité du don que l'Esprit nous inspire. Amen.

Fr. Columba