Le Saint Sacrement (A) Jn 6, 51-58

Nous savons tous par expérience que rien n'est plus fort en nous que le désir de vivre. Un désir prêt à tout pour parvenir à ses fins. Vivre, et vivre à fond, à plein : voilà le programme de toute existence humaine.

Enfants, puis adolescents, nous recevons de notre entourage les « recettes » de l'accomplissement de ce désir. Nous les recevons certes, à travers une éducation, des règles de vie, des structures sociales qui nous modèlent et créent en nous, peu a peu, des certitudes.

Mais, surtout, ce qui nous façonne le plus, c'est la manière dont nous sommes aimés, reçus, reconnus comme personnes, comme être unique et irremplaçable. Vivre, nous le pressentons alors, puis nous le conscientisons, est étroitement lié à « être aimés et aimer ». De la manière dont nous avons été aimés, nous aimons. De l'élaboration de la nature de l'amour, ainsi créée en nous, surgit une « manière d'être », au monde, aux autres et à soi-même.

Et puis voilà la vie. Avec ses joies, ses réussites, ses difficultés, ses échecs, ses erreurs. Tout ce qui nous touche et nous ébranle provient généralement du heurt qui s'accomplit au plus profond, dans notre cœur, là où l'amour tel que nous l'avons rêvé, imaginé, expérimenté, reçu, rencontre l'autre, le différent.

Nous tous, rassemblés ici ce matin, nous avons mêlé notre désir de vivre, notre désir d'aimer et d'être aimés, à Quelqu'un, à une Personne nommée Jésus. Nous en sommes là. Dans cette dynamique, dans ce pèlerinage vers la Vie, vers notre Vie, puisque jamais, jamais, même au seuil de la mort, ne s'éteint notre désir de vivre.

Nous sommes dans le « Temps Ordinaire ». Depuis deux semaines déjà, nous avons quitté le Temps Pascal, pour nous aventurer dans cette nouvelle étape de notre vie, enrichis de la commémoration de la Mort et de la Résurrection de Jésus. La Liturgie nous offre de revenir au Soir du plus grand Amour, au Soir où, ce Jésus que nous cherchons à suivre, nous a TOUT livré : Sa Personne, Son Corps, Son Sang. II n'a pas parlé en paraboles : ce temps est dépassé. Il a parlé clair. Il a scellé une Alliance définitive, et de « cette manière il a obtenu une libération définitive ».

Or Lui-même n'avait pas besoin de cette libération : de toute éternité, II existe dans l'Amour qui l'unit à Son Père dans l'Unique Esprit, dans l'Amour.

C'est nous qu'Il libère. C'est chacune, chacun de nous qui reçoit pour libération de ses fausses certitudes, le don de Son Corps, de Son Sang. Il obtient par Ia Nouvelle Alliance, pour nous, une libération que nous recevons au plus profond de nous-mêmes, pour Vivre enfin. Et Vivre d'Amour.

Pour Vivre, pour Aimer, pour recevoir l'Amour, nous avons, dans le Corps et le Sang de Jésus, la seule réalité qui nous permette d'épanouir notre désir, nous libérer de nos fausses certitudes, nous libérer de notre « Moi » si tyrannique, pour entrer dans le Désir, le seul, le vrai désir : le Désir de Dieu, le Désir de l'Amour.

C'est un combat de chaque jour, une lutte jamais gagnée, Notre vie est, jusqu'au bout, dans ses moindres détails, le lieu de cet affrontement entre Ies aspirations de l'Esprit d'Amour et les tendances de la chair, l'esprit du monde.

L'Eucharistie, Ie Mystère du Don d'Amour, est là. N'ayons pas peur. Approchons-nous, chaque jour, chaque fois que possible, de Jésus Présent dans cette hostie, dans ce calice, pour nous libérer, nous donner d'aimer jusqu'au bout. Certes en portant notre Croix, c'est vrai, car il n'y a pas d'Amour sans souffrance ! Mais en touchant aussi au délice de l'Amour qui nous a créés et qui nous attend.

P. Jean-Marie