Sacré-Cœur de Jésus (A) Mt 11, 25-30

Frères et sœurs, l'Amour de Dieu nous touche en plein cœur, il nous atteint plus profondément qu'une flèche de Cupidon. Cet Amour, libéré de toute attache, de toute possession, se révèle dans la simplicité, dans la pureté la plus absolue, comme du cristal. L'évangile d'aujourd'hui nous montre que l'Amour de Jésus a un lien très fort avec l'enfance spirituelle ; les tout-petits sont en quelque sorte les témoins les plus vivants et les plus proches de notre origine commune qui se trouve en Dieu-même, dans le Père.

Il y a quelques jours, deux événements – qui se sont déroulés à des milliers de kilomètres de distance – ont secoué la planète. Après plusieurs semaines de recherches qui ont mobilisé des centaines de personnes, quatre enfants ont été retrouvés en Colombie dans la forêt amazonienne sains et saufs, après que leur avion se soit écrasé, emportant leurs parents dans cet accident. En France, à Annecy, quatre enfants également ont été agressés par un déséquilibré, à coups de couteau. Ils sont finalement sains et saufs, eux aussi, grâce à Dieu. On voit bien que dès qu'il s'agit d'enfants, cela nous bouleverse. Tout le monde s'active, l'adrénaline est au maximum, les secours se font plus performants et efficaces. Quelque chose en nous crie au scandale. Notre cœur se déchire. En fait, c'est la part la plus belle de notre humanité qui se révèle au contact de l'enfance meurtrie, quand elle cherche à les protéger de toutes sortes d'abus et de violence. L'Amour de Jésus sur la croix est de cet ordre-là. Oui, il nous touche en plein cœur, car il révèle l'innocence bafouée, et cela est scandaleux. Dans cette abîme de détresse, nous nous rendons compte à quel point Dieu nous a aimés infiniment, jusqu'à donner sa vie pour nous, en son Fils unique. Le cœur de la révélation est contenu en seulement trois mots, qui nous sont donnés par l'apôtre Jean : Dieu est amour. Tout est dit, tout est révélé, et pourtant tout demeure caché et voilé. Cela nous est caché, car nous croyons savoir ce qu'est l'amour, mais nous ne faisons qu'effleurer ce mystère. Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l'as révélé aux tout-petits.

Frères et sœurs, pourquoi l'amour est-il rendu si compliqué dans nos relations, alors qu'il est si simple, en réalité, de par son origine ? Nous faisons souvent des nœuds là où tout est limpide et transparent. La perfection de l'amour ne serait-elle donc pas d'aller à l'essentiel, en retirant de notre cœur tout ce qui encombre et ce qui voile ? Il y a tant de choses qui nous empêchent d'accéder au cœur profond, au centre de notre être. Nous avons perdu l'innocence, et c'est pour cela que les enfants nous touchent, parce qu'ils nous révèlent ce que nous avons perdu, et que nous aimerions retrouver. L'évangile nous montre ce chemin de retour, cette voie de conversion qui consiste à redevenir des enfants. Non pas des enfants gâtés ou égoïstes, mais des êtres qui s'émerveillent de tout, de la moindre petit bête qui remue dans l'herbe ou du grand dinosaure empaillé dans un musée. La vraie conversion, le retour au cœur de Dieu passe par cet étonnement philosophique devant la Vie et le Bien à l'état pur. L'enfant ne s'intéresse pas au mal. D'ailleurs, il ne le comprend pas. Il ne voit que ce qui est bien, ce qui est beau, bon et vrai. Pour pouvoir accéder à Dieu et à sa révélation, nous avons besoin de passer de la tête au cœur. Le mental complexifie les choses, alors que le cœur les simplifie. Si nous n'arrivons pas à être sur la longueur d'onde de Dieu, c'est parce que nous essayons de comprendre son mystère avec notre intelligence, alors que celui-ci est accessible d'abord par le cœur. Il nous faut donc retrouver la sensibilité pour les choses divines, ne pas refouler nos sens et nos émotions, mais les orienter vers Dieu.

Devenons (ou plutôt redevenons) émerveillés, apaisés comme les enfants. Si notre cœur est inquiet, lourd et pesant, jamais en repos, alors suivons Jésus qui nous dit de prendre son fardeau léger. Ce fardeau, c'est la Loi rendue à sa plus simple expression : Tu aimeras le Seigneur, et ton prochain comme toi-même. L'amour de Dieu est léger et parfait. Il nous porte plus que nous le portons. Il nous aime plus que nous l'aimons. Recevons ce Cœur qui a tant aimé notre humanité. Laissons-nous porter par lui. Qu'il nous rende plus légers et émerveillés comme des enfants. Qu'il nous fasse accéder à notre propre cœur dans lequel Dieu demeure. Amen.

fr. Columba