5° Dimanche du TO*A Mt 5, 13-16
Aujourd'hui, Jésus nous dit : « Vous êtes le sel de la terre (...) Vous êtes la lumière du monde. » Quel est ce sel ? Quelle est cette lumière ? Le Christ est ce sel qui nous rend à notre saveur originelle. Il est cette lumière qui nous ramène à la clarté d'un jour nouveau. Il est ce Dieu qui vient au plus près, à l'intime de notre chair, nous donner saveur et lueur. Comment pourrions-nous qualifier ce sel, cette lumière ?
Peut-être le sel de l'espérance. Peut-être la lumière de la foi. Ce sel, nous avons à apprendre à le goûter chaque jour en nos sœurs et frères, qui sont autant de grain de sel dans le monde. Exercice parfois ardu et compliqué lorsque l'excès de sel se fait trop sentir. Tâche parfois affligeante lorsque l'insipide nous désole. C'est un vrai travail de conversion que de goûter le sel des autres ; qu'il y en ait trop, pas assez ou pas du tout. C'est une lutte pour se faire au goût de l'autre. Ce sel n'est pas nôtre. Il est celui du Christ présent en mon prochain. Et parfois, quand c'est vraiment trop salé, comme une soupe par exemple, nous sommes alors tentés par le rejet. À l'inverse, sans sel, c'est la tentation de la désolation, de la tristesse. Tout devient fade ; surtout au moment du repas, si on est au régime sans sel. Quotidiennement, nous avons à dépasser tous ces sels plus ou moins bien dosés, plus ou moins purs et à laisser, peu à peu, notre palais se transformer, évoluer, s'enrichir de saveurs nouvelles pour mieux découvrir le goût sans cesse renouvelé du sel divin et christique, présent en chacun de nos sœurs et frères. C'est toujours le même sel christique qui révèle la saveur et le goût du prochain.
Mais ce sel, quelle est sa source ? Sa source, c'est la Parole divine qui vient nous réveiller, qui vient nous relever, qui nous remet debout. C'est une Parole vivante, vivifiante qui se rappelle à nous inlassablement, sans jamais faiblir. Sa force nous porte vers le royaume, nous exhorte à l'amour fraternel, nous élève par-delà nos médiocrités et nos péchés à voir toujours plus loin notre joie, plus profonde notre paix, plus large notre cœur, plus haute notre vocation de chrétien dont la fin est divine.
Quel est son canal de réception ? C'est l'oreille de notre cœur qui accueille cette Parole pour en être labouré, ensemencé, pétri et nourri. Et alors, le cœur fécondé fructifie pour nourrir la fraternité, l'amitié, l'amour.
Quant à son canal d'émission, c'est notre langue avec son sel qui révèle la saveur de l'amitié et de l'amour, qui scelle l'union des cœurs et des alliances. C'est le sel de notre langue qui fait la saveur de la confiance. C'est le sel de notre langue qui harmonise le goût de la réconciliation et du pardon mutuel. Et alors, c'est la lumière dans les cœurs. C'est la lumière de la foi qui se lève à nos horizons. La lumière de la foi se fait à mesure que notre parole d'homme nourrie de la Parole de Dieu s'exerce à discerner la bonne dose de sel dans nos jugements, nos considérations, nos évaluations, à trouver mutuellement la juste mesure de nos éclairages pour suivre le Seigneur et répondre à ses appels.
Dans le Seigneur, pas de sel sans lumière, pas de lumière sans sel. Que serait un banquet agrémenté des plus beaux candélabres, des plus somptueuses bougies avec des plats insipides ? Et qui aurait l'idée de faire ce même banquet avec les plats les plus savoureux, salés à point dans le noir le plus complet ? Non, frères et sœurs, sel et lumière sont inséparables. Et c'est bien le sel de Jésus dans notre cœur qui vient faire la lumière dans nos vies et dans le monde. Amen.
Fr. Nathanaël