32° Dimanche du TO*A Mt 25, 1-13

Pourquoi, frères et sœurs, ces jeunes filles sages et prévoyantes ne donnent-elles pas de leur huile aux autres ?

Elles attendent l'amour puisqu'elles attendent l'Époux et elles ont ce geste égoïste ! Étonnant !

Pire : l'Époux va se servir de leur geste pour refuser d'accueillir leurs compagnes à leur retour.

Est-ce une nouvelle victoire de l'individualisme, chacun tirant son épingle du jeu ?

Regardons cette parabole :

elle est située à la fin de l'Évangile selon saint Matthieu, un peu avant l'arrestation de Jésus.

Or, la situation des apôtres au moment de Gethsémani est très voisine du scénario de cette parabole :

ils dorment alors qu'ils devraient être éveillés comme les jeunes filles et ils ne sont pas prêts à accueillir l'Époux parce qu'ils vont fuir au moment crucial.

Frères et sœurs, ces jeunes filles pour moitié insouciantes et pour moitié prévoyantes ne sont-elles pas la figure de l'Église qui attend le Bien-Aimé comme les Apôtres sont figures de l'Église Épouse ?

Toutes s'endorment, comme les apôtres seront absents et feront défaut quand on va arrêter le Seigneur.

De ce parallèle, nous tirons cette réflexion sur l'attente :

c'est long d'attendre.......d'attendre le Christ, l'Époux, d'attendre, comme certains attendent que la foi tombe sur eux comme une révélation fulgurante, comme un feu du Ciel.

Mais la foi tombe rarement comme cela, en direct.

Elle passe beaucoup plus souvent par des intermédiaires humains, des évènements, en tout cas, toujours par l'Église qui a les moyens de communication adaptés pour cette rencontre de Dieu.

Attendre Dieu, ce n'est pas tenir passivement une lampe, c'est chercher le carburant qui va dans la lampe :

le carburant de la sagesse de Dieu que nous trouvons dans le patrimoine de l'Écriture Sainte.

Si nous ne nous appuyons que sur nous-mêmes pour chercher Dieu, nous ne tiendrons pas longtemps la route :

notre lampe va s'épuiser.

Frères et sœurs, devenir croyant en Dieu, en Jésus Christ qui est le chemin et la vérité, n'est-ce pas entrer dans une histoire où d'autres avant nous ont cherché et laissé à notre porte la sagesse resplendissante du mystère de Dieu.

Il n'y a pas de foi réaliste sans un peuple croyant ou alors nous faisons de l'auto persuasion.

Pas d'acte de foi sans ce corps vivant d'une tradition et d'un peuple qui nous donnent accès au mystère insondable de Dieu.

L'huile de la lampe qui permet de durer dans l'attente du jour des noces donne aussi le courage spirituel d'être saint dans notre monde de brutes.

Oui, nous pouvons toujours attendre qu'un autre commence à faire du bien quand tout le monde fait du mal.

Mais la Parole de Dieu nous dit le contraire.

En effet, dans la parabole, tout le monde reçoit une lampe, tout le monde est invité aux noces.

À tous, il est donné de pouvoir briller, aux prévoyants comme aux insouciants, aux bons comme aux mauvais.

C'est après que les choses se compliquent. Les insouciantes pensent que cela suffit.

Autrement dit, elles se suffisent à elles-mêmes.

Comme Pierre à Gethsémani qui s'appuie sur lui seul et qui trahit alors qu'il était sincère au moment de son engagement.

À Gethsémani, Pierre épuise la lampe de sa foi.

Il grille ses batteries spirituelles car il ne compte que sur lui. Il se met spirituellement du même côté que ces jeunes filles insouciantes dont parle la parabole de ce dimanche.

Et le Christ est livré. Et le Christ rend l'Esprit.

Tant que le don de Dieu n'est pas fait, l'homme tombe.

Or, frères et sœurs, aujourd'hui, le don est fait.

Jésus Christ a répandu la vie de l'Esprit dans son Corps qui est l'Église.

À nous, Église, de recevoir ce que Jésus nous donne pour tenir notre lampe allumée.

C'est l'un des sens de cette terrible répartie, à la fin de la parabole :

« Allez plutôt chez les marchands vous en acheter. »

Il y a des réalités que nous ne pouvons pas nous transmettre les uns aux autres.

Il y a des dons qu'un homme ne peut pas faire à une autre personne parce que c'est Dieu lui-même qui le fait.

Il en est ainsi de la foi et du don de l'Esprit Saint.

Un homme peut donner son témoignage, mais Dieu seul donne la foi.

Un homme peut donner du courage, mais Dieu seul peut donner l'Esprit Saint.

Ces dons existent et sont à la disposition de tous.

La foi ne se capitalise pas, l'Esprit Saint ne se provisionne pas.

Ces jeunes filles insouciantes ne sont pas propriétaires de ce qu'elles ont reçu.

Elles ne peuvent que nommer l'endroit qui les a nourries, approvisionnées.

Et cet endroit, c'est l'Église.

Amen

fr. Benoît-Marie