22° Dimanche du TO*A Mt 16, 21-27

Pierre ose peut-être l'impensable pour un disciple juif avec son Rabbi : il reprend son maître et lui fait de vifs reproches. La réplique de Jésus est cinglante : « Passe derrière moi, Satan ! » (Mc 8, 33b).
Nous aussi avec Pierre, nous voudrions bien que cette nécessité de la passion soit gommée. De tout son cœur, Pierre le reproche à Jésus. L'audace de l 'amour humain l'emporte sur l'accueil d'un enseignement dérangeant et dangereux, à l'issue fatale pour le maître.

Pourquoi cette réplique de Jésus à Pierre ? Le livre de la Genèse pourrait peut-être bien nous aider à y entendre quelque chose.
Dans le jardin d'Éden, Dieu donne ce commandement à l'homme de pouvoir manger de tous les arbres du jardin mais pas de l'arbre de la connaissance du bien et du mal sous peine de mort (Gn 2, 15-17). Que dira alors le serpent à la femme ? Lorsque celle-ci aura répondu à sa question perverse et insidieuse, en lui expliquant que Dieu a donné le commandement de ne pas manger de cet arbre sous peine de mort, le serpent dira alors : « Pas du tout ! Vous ne mourrez pas ! » (Gn 3, 1-6). L'arbre est mangé. C'est la chute. C'est la mort. L'homme et la femme sont tellement séduits à l'idée de devenir comme des dieux qu'ils choisissent d'obéir au serpent menteur plutôt qu'à la parole de vie et de vérité de Dieu. Du coup, Dieu qui aime sa créature et veut la sauver devra désormais aller lui aussi sur ce chemin de mort et de péché pour l'en délivrer par son Fils, Jésus-Christ. Et Jésus le sait. Le chemin de sa passion, de sa mort et de sa résurrection est ce chemin de délivrance et de vie. L'arbre de sa croix est l'arbre de notre vie, de notre résurrection. Dans la foi, nous le croyons.
Ainsi, Dieu dit en quelque sorte dans le jardin à sa créature : « Non ! Ce chemin est celui de la mort, n'y va pas ! » Elle y va. Et Jésus, quant à lui, dit qu'il faut que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté et tué et qu'il ressuscite. Que dit alors la créature répondant au nom de Pierre -du moins selon l'évangéliste saint Matthieu- « Dieu t'en garde, Seigneur ! Cela ne t'arrivera pas. » (Mt 16, 22b). Pierre la créature aurait pu tout aussi bien dire : « Pas du tout ! Tu ne mourras pas ! »

Pierre est vrai d'une vérité magnifique. Certes, une vérité entachée du péché qui conduit sur le chemin de l'erreur. Mais tout de même, Pierre est vrai dans sa vérité d'homme pécheur. Peut-être est-ce là, ce qu'il y a de plus humain, de plus touchant et de plus douloureux sans doute aussi. De plus douloureux, car Pierre se veut vraiment bon pour son maître et pourtant il révèle, à ses dépends, 'Satan' à l'œuvre à travers le vieil homme qu'il est encore alors. 

Frères et sœurs, la croix ne vient pas de Dieu. Elle est une invention de l'homme corrompu par le mal. Ce n'est pas tant Dieu qui veut la croix que le mal en l'homme qui la cultive. Le Mal ne vient pas de Dieu. Dieu sera toujours du côté des crucifiés et de ceux qui souffrent l'injustice, jamais du côté des persécuteurs et des bourreaux qui choisissent la mort.
En revanche, puisque l'homme s'est enfermé dans ce chemin de mort, Dieu lui dit :  « Sur mon chemin, suis-moi. Ma vérité, crois-la. Ma vie, vis-la. Je suis avec toi tous les jours. Marche à ma suite. Ta croix c'est moi qui la porte sur la mienne. Dans la foi, aime-moi et mon amour pour toi te donnera de porter ta croix et de me suivre jusqu'à moi, la résurrection et la vie. Alors tu chanteras avec tes frères : 'Je marcherai en présence du Seigneur sur la terre des vivants' (Ps 114, 9). » Amen.

F. Nathanaël