15° Dimanche du TO*A Mt 13, 1-23
Le semeur sortit pour semer… combien de fois avons-nous entendu ce texte ? et nous entendons encore la petite morale de monsieur le curé ou de la dame catéchiste : porter du fruit à 30, 60 ou 100 pour un, par nos bonnes œuvres. Alors, nous fermons le livre et nous passons à autre chose !
Mais Jésus ne nous dit-il pas autre chose que nous n'entendons plus à cause de l'habitude ? Que penserait un paysan voyant un autre paysan semer son grain n'import 'où, sur le goudron de la route, dans les broussailles qui bordent son champ ? A juste raison il penserait : il est complètement fou ! Et qui donc sème ainsi en dehors de toute logique ? Dieu lui-même ! Avant de nous donner une leçon de morale, Jésus nous dit que Dieu est complètement fou ! Cette folie douce dont saint Paul parle à ces fous de Corinthiens ! Dieu est fou d'amour : il donne et se donne en dehors de toute rationalité, de toute mesure. Jésus est l'image et la révélation parfaite de son Père. Combien de fois Jésus est traité de fou, par sa famille, par ses disciples. Après le coup de folie de la croix et de la résurrection de Jésus, les apôtres sont entraînés dans ce vent de folie et c'est là que la folie vire au centuple ! Relisons les paraboles avec un regard neuf et nous découvrirons cette géniale folie de Dieu : les ouvriers de la 11ème heure, l'intendant infidèle, les invités au festin…
Faisons la démonstration par la réciproque – comme dans les cours de maths autrefois : regardons-nous les uns les autres dans notre assemblée d'aujourd'hui ! Sans nous tromper nous pouvons dire avec saint Paul : « Regardez qui vous êtes, vous qui avez reçu l'appel de Dieu : il n'y a parmi vous ni beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de gens de bonne famille. Mais ce qui est folie dans le monde, Dieu l'a choisi pour confondre les sages, ce qui est faible dans le monde, Dieu l'a choisi pour confondre ce qui est fort, ce qui n'est rien, Dieu l'a choisi pour réduire à rien ce qui est. » Ailleurs, Jésus dit à ses apôtres : « ce n'est pas vous qui m'avez choisi, c'est moi qui vous ai choisis pour que vous alliez, que vous portiez du fruit, un fruit qui demeure » Oui, nous sommes les Corinthiens et Corinthiennes d'aujourd'hui et notre gloire, notre joie, c'est d'avoir été choisis, ouvriers sans qualification ni label, témoins vivants et émerveillés de la folie de Dieu ! Arrêtons de rêver à une église de purs et de parfaits : nous sommes un ramassis comme les hébreux que Dieu fait sortir d'Egypte, un peuple de râleurs, jamais contents, jamais satisfaits des dons de Dieu. Voilà la joie de l'Eglise : le peuple des cabossés est le peuple aimé de Dieu !
Alors, nous pouvons vivre de l'espérance dont saint Paul nous a parlé tout à l'heure : « J'estime qu'il n'y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent
et la gloire qui va être révélée pour nous. En effet la création attend avec impatience
la révélation des fils de Dieu. Pourtant, la création a gardé l'espérance d'être, elle aussi, libérée de l'esclavage de la dégradation, pour connaître la liberté de la gloire donnée aux enfants de Dieu. » L'espérance, c'est la plus jeune des trois vertus nous dit Charles Péguy. Nous espérons contre toute espérance, et c'est le message du livre de l'Apocalypse qui est la révélation de l'Amour de Dieu dans l'Agneau égorgé et vainqueur. Notre espérance n'est pas vaine : « Moi, je vous dis : levez les yeux et regardez, déjà les champs sont blancs pour la moisson ! »
Et saint Paul nous précise : « L'espérance ne déçoit pas parce que l'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné. » Nous voici revenus à notre point de départ : la folie de Dieu qui sème l'Amour sans compter, et l'Amour porte du fruit quand meurt la semence ! Mourir d'amour, est-ce seulement un rêve ? Doux rêveurs les chrétiens ? La joie pascale est notre trésor.
Fr. Pierre