Vendredi Saint Jn 18, 1 – 19, 42

Où est la victime pour l'holocauste ? (cf. Gn 22,7). Elle est là, cette victime, au milieu de nous, immolée sur le bois de la Croix. C'est le Christ, l'Agneau égorgé, en qui souffrent et meurent toutes les victimes de notre monde : femmes harcelées et violées, enfants abusés ou tués dans les combats, hommes torturés et condamnés, esclaves par millions. Ces victimes ne cessent jamais de défiler sur nos écrans, on parle d'elles sur les ondes et sur les réseaux : #MeToo, CIASE, CIVISE, Amnesty International, ACAT... Leurs voix, ou celles de leurs proches, jaillissent du silence après de nombreuses années, elles s'élèvent et dénoncent leurs bourreaux, leurs tortionnaires, leurs prédateurs. En osant parler, les victimes deviennent des « témoins », elles sortent de l'oubli... Pourtant, elles sont tellement nombreuses que nous ne les voyons plus. Elles représentent la foule immense et ordinaire de notre terre, notre planète qui est tout aussi victime des hommes, profanée et polluée par eux. Nous n'entendons plus, ou nous ne voulons pas entendre les victimes. Comme le Christ en croix, elles nous dérangent et nous font honte. Nous bouchons nos oreilles, nous détournons les yeux. C'est trop dur, insoutenable. Le visage de Jésus défiguré nous fait mal. Le cri de Rachel qui pleure ses enfants perce nos tympans. La mort de l'Innocent est insupportable. Elle nous culpabilise, nous met devant nos yeux notre péché, car tous nous sommes complices de ce crime.

Ecce homo. Voici l'Homme, celui qui est resté humain derrière la défiguration d'une victime animale. Voici l'Homme devenu témoin, le seul et unique au monde qui ait su garder la lumière dans l'obscurité la plus complète, parce qu'il était Dieu. Il a touché le fond du fond, pour que personne ne puisse se sentir seul et isolé dans les ténèbres. Il s'est montré humain jusque dans l'abîme de la souffrance, afin de faire remonter des enfers tous ceux qui sont enchaînés par le Mal, les victimes comme les bourreaux. A ceux qui vivent l'horreur avec lui, Jésus dit : « Tu n'es pas une poubelle, tu n'es pas une chose ou un animal. Tu es un homme, une femme. Tu es infiniment digne d'être aimé(e). Cette image divine que tu as reçue de Dieu, personne ne pourra te l'enlever. Par ma mort à laquelle tu as été associé(e), je te donne ma vie. Par ma souffrance, je te donne la paix. Humanité blessée, tu n'as plus rien à craindre ; je suis toujours avec toi, jusqu'à la fin du monde. Amen. 

Fr. Columba