Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur (C) Lc 22, 14 – 23, 56

Notre Dieu s'est passionné pour notre humanité. Il nous a aimés « passionnément, à la folie », jusqu'à la folie de la Croix... Passion. Ce mot évoque la démesure du plaisir et de la souffrance. Un excès d'amour qui rend fou, qui divise, qui déchire le cœur et nous met devant notre impuissance ; un excès de souffrance aussi, car l'amour fait souffrir énormément. Passion. C'est un amour qui fait mal, et que le Seigneur a voulu prendre sur lui.

Si Dieu s'est pris de passion pour les hommes, les hommes aussi se sont depuis toujours passionnés pour lui. Ils l'ont acclamé, comme Jésus l'a été à Jérusalem. Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Paix dans le ciel, et gloire au plus haut des cieux. Mais ils se sont tellement épris de ce roi, qu'ils ont voulu le posséder. Et lui s'est laissé attraper, saisir. On lui met un manteau de pourpre. Avec toute sa liberté, Jésus a pris la ferme résolution de rester passif, muet. Dans sa Passion, il s'est laissé faire. Mais c'est d'une manière active qu'il n'a rien fait. Résolument, il a présenté son dos à ceux qui le frappaient et il ne s'est pas dérobé. Celui que nous avions fait roi nous a laissé le tuer.

Le Seigneur a eu besoin d'un petit âne. Il a voulu choisir l'humilité pour sa royauté. Il nous faut, nous aussi, détacher l'ânon. Détacher l'humilité qui est encore retenue en laisse. Celle-ci n'est plus isolée, et elle a trouvé quelqu'un pour la monter. Un roi qui a accepté de la prendre pour se montrer dans sa gloire. Et c'est justement cette humilité, cette humanité qui a touché les habitants de Jérusalem. C'est elle également qui a saisi le centurion, à la vue de ce qui s'était passé au Calvaire : Celui-ci était réellement un homme juste.

Dans sa Passion, Jésus semble impuissant, soumis. Il souffre en silence et n'ouvre pas la bouche, comme une brebis muette. Il ouvre seulement son oreille, en parfait disciple, et c'est cela qui le rend capable de soutenir celui qui est épuisé. Le Christ a voulu demeurer impuissant pour être avec tous ceux qui sont prisonniers de leurs passions, comme ce petit âne attaché. Il nous a délivrés de nos excès, de nos transgressions qui nous rendaient esclaves. Cet ânon, personne d'autre que Jésus ne l'avait encore monté. Il était réservé pour le Messie, nous dit le livre de Zacharie. Personne d'autre que le Fils de l'Homme ne pouvait prendre l'humilité. Quand celle-ci est libérée, quand elle n'est plus tenue en laisse, alors elle peut rendre un roi capable de souffrir pour ses sujets. Elle peut transformer le pouvoir en impuissance, et l'impuissance en pouvoir.

Devant ce récit de la Passion, il nous faut, nous aussi, rester attentifs et à l'écoute. Ouvrir l'oreille comme Jésus. Nous laisser enseigner par lui, par sa vie tout entière. Le procès de ce roi humble et atypique nous montre comment convertir la haine en amour vrai. Car la haine est un amour qui a été perverti. Nous avons trop mal aimé Dieu, nous l'avons transformé en idole. Nous nous sommes passionnés pour lui, mais nous l'avons possédé égoïstement. Dieu souffre de nous voir l'aimer de la mauvaise façon. Il pâtit de notre idolâtrie, de nos perversions qui transforment l'amour en fusion. Un exemple nous est donné de cette folie de la passion : un homme organise une guerre, avec son armée il envahit tout un pays en s'imaginant faire une œuvre bonne et raisonnable. Cet homme est malade ; il est le jouet de ses passions. Nous aussi, nous sommes malades quand nous pensons faire le bien et qu'en réalité nous le détournons. 

Seigneur, toi qui as vaincu la mort par ton humble croix, prends pitié de nous, de nos révoltes, de nos passions déréglées mêlant l'amour à la haine, de nos prétentions à nommer blanc ce qui est noir. Prends pitié de notre âme tordue et dévoyée. Ramène-nous sur le chemin de l'amour vrai. Fais-nous marcher dans les pas de ton Fils, qui a emprunté le sentier de l'humilité, de l'humanité. Amen.

Fr. Columba