Profession solennelle de fr. Paolo Lc 2, 41-51

Cari fratelli e sorelle, Carissimo fratello Paolo, Mi dispiace, non parlo italiano, quindi parlerò in francese. Chers frères et sœurs, cher frère Paolo, la liturgie de ce jour est particulièrement riche : nous célébrons la profession solennelle de frère Paolo, la fête du Cœur Immaculé de Marie, et nous faisons mémoire du bienheureux Paul Giustiniani, moine et réformateur de l'ordre des camaldules. Alors quel fil conducteur choisir ? Nous lisons actuellement au réfectoire l'autobiographie du pape François, « Espère ! ». Le chapitre qui m'a inspiré s'intitule « Comme une corde tendue ». Aussi, le fil conducteur de cette homélie ne sera pas un fil, mais une corde – non pas une corde sensible, mais une corde tendue.

En effet, nous pouvons comparer le moine à une corde dans un instrument de musique. Seule, elle ne produit aucune mélodie. Pour chanter, elle doit être tendue, accordée, et consentir à vibrer sous l'archet ou les doigts du maître. Si la corde est relâchée, elle reste muette ; si elle est trop tendue, elle risque de se rompre, de casser. Il existe donc une bonne et juste tension de la corde. Pour le moine, c'est une tension entre l'humilité et la juste estime de soi, entre l'obéissance et l'initiative, entre la vie commune et la solitude, entre le silence, l'écoute de la Parole de Dieu et la charité fraternelle, entre vie en clôture monastique et le contact avec le monde extérieur. Le moine cherche une justesse, un milieu, il se méfie des excès.

Aujourd'hui, frère Paolo, tu entres plus profondément dans cette tension spirituelle, dans ce réglage divin où ta vie devient une corde unique et précieuse dans l'instrument qu'est notre communauté d'En Calcat, qui joue sa partition dans le grand orchestre de Dieu.

L'Évangile de ce jour nous présente un moment de tension dans la vie même du Christ. Jésus a douze ans et se trouve au Temple, déjà tout tendu vers son Père, désirant suivre un appel du Père. Pourtant, après avoir dit : « Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père ? », il redescend, quitte Jérusalem et retourne à Nazareth. L'Évangile dit simplement : « Il leur était soumis. » Le Fils de Dieu entre ainsi dans une obéissance humaine et ordinaire. Il se laisse former dans la vie cachée, consent à la lenteur, entre dans le silence. Il devient une corde tendue mais discrète, accordée et prête pour le jour où l'Esprit jouera pleinement sur elle.

Le vœu d'obéissance que tu prononces, fr. Paolo, est un moyen d'accordage de la corde de ta vie - de ton caractère, de tes désirs, de tes talents. Tu consens à jouer une partition que tu ne maîtrises pas totalement (c'est le cas de tous les moines). Tu choisis d'obéir, de tendre ton oreille à la parole de Dieu, de l'abbé et de tes frères. Cette obéissance, cette écoute, peut être facile quand la vie fraternelle est harmonieuse. Elle est plus exigeante aux moments des dissonances communautaires : comme dans toute musique d'ensemble, il arrive que l'un entre trop tôt, l'autre traîne, un autre encore donne une fausse note ou casse la corde. L'obéissance demande parfois une abnégation de soi, la patience et la persévérance.

Il peut arriver aussi, fr. Paolo, que c'est ta corde qui n'est pas bien tendue : soit elle est relâchée, soit trop tendue. Ce sont des signes d'alerte. Il est important alors de revenir à la juste tension, de s'accorder, de se convertir. La conversion de vie, c'est le deuxième vœu que tu prononces. Tu le sais bien, fr. Paolo, toi qui joues de la guitare classique, qui fabriques des cithares : le bois travaille, les cordes bougent. De même, dans la vie monastique, s'accorder signifie revenir à l'écoute, à la vérité de notre appel, se laisser trouver et aimer dans notre imperfection, dans nos petitesses, par le Christ.

Pour qu'une corde sonne juste, elle doit être bien fixée, bien stable. C'est alors que le musicien peut en tirer un son harmonieux. Le vœu de stabilité, que tu prononces, frère Paolo, est comme la fixation d'une corde avec une juste tension, qui permet une vibration féconde.

Quand Isaïe s'écrie : « Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu. », il vibre intérieurement comme une corde bien tendue et solidement fixée. Sa stabilité dans le Seigneur lui permet cette vibration profonde de tout son être.

De son côté S. Paul dit : « À moi qui suis vraiment le plus petit de tous les fidèles, la grâce a été donnée d'annoncer aux nations l'insondable richesse du Christ ». Il est donc ancré, stabilisé dans la grâce de Dieu qui donne une bonne tension à sa vie et à sa mission, la grâce qui vibre en lui.

Frère Paolo, aujourd'hui tu remets ton cœur, ta vie, ce que tu es - avec tes richesses et tes pauvretés, tes grandeurs et tes petitesses - entre les mains du Seigneur qui compose une belle mélodie à travers tout cela, comme il l'a fait à travers la Vierge Marie, le bienheureux Paolo Giustiniani, saint Paul, Isaïe et tant d'autres personnes, y compris les moines. Alors bon concert avec nous, fr. Paolo. Che ogni tua nota sia guidata dallo Spirito.(Que chacune de tes notes soit guidée par l'Esprit).

f. Maximilien