Mercredi des Cendres (C) Mt 6, 1-6.16-18
Dans un roman de Tolkien, intitulé « Le Seigneur des Anneaux », il y a un personnage, qui s'appelle Sauron. Il est rarement vu sous son apparence physique. La plupart de temps il se manifeste par des symboles. L'un de ces symboles est l'œil de Sauron. Il est omniprésent, il voit tout, il contrôle tout, il surveille tout. On parle parfois de l'œil de Sauron pour symboliser un pouvoir totalitaire qui met la main sur la vie de ses sujets, sur leur liberté, sur leur intimité, en utilisant souvent des outils numériques avancés. Une sorte de voyeur malveillant.
Jésus nous dit aujourd'hui que le Père voit dans le secret. Et il nous invite à nous montrer au Père qui voit dans le secret. Est-ce que cela nous fait peur ou nous met mal à l'aise ? Peut-être que nous ressentons un certain inconfort ? En fait, le regard du Père est tout le contraire de l'œil de Sauron. Jésus nous dit que le Père regarde non pas pour punir ou utiliser ce qu'il a vu contre nous, mais pour nous récompenser. Il nous regarde avec amour pour nous donner un cadeau. Il nous regarde comme un bon père regarde son enfant, surtout quand celui-ci est en danger, pour le secourir.
Jésus nous dit que le Père voit dans le secret. Le secret, c'est quelque chose que nous ne révélons à personne, c'est quelque chose dont nous avons honte, quelque chose qui pourrait nous discréditer dans les yeux des autres. Le Père voit dans le secret pour nous réconcilier avec nous-mêmes par son regard aimant et accueillant, pour nous réconcilier aussi bien avec notre condition des pécheurs qu'avec la beauté qui est en nous. Le Père regarde dans le secret, car il cherche notre vrai visage ; il ne s'arrête pas sur des masques. Il ne va pas sauver le masque, mais ce qui est vrai, notre vrai visage. Nos masques resteront sur terre, notre vrai visage contemplera le visage du Père. Cela peut nous donner la paix dans le cœur.
Jésus nous dit encore une autre chose sur le Père. Il nous dit que le Père nous « rendra ». On peut rendre quelque chose à quelqu'un quand celui-ci nous l'a prêté. Alors, qu'est-ce que nous avons prêté au Père pour qu'il nous le rende ? L'aumône donné à un pauvre est un prêt à Dieu, la prière et le jeûne dans le secret, à une intention, sont un prêt à Dieu. Et il nous donnera une récompense.
Cependant, Dieu nous donne bien avant que nous lui prêtions. Et ce que nous lui prêtons, c'est ce que nous avons reçu de lui. Si nous pouvons donner, partager avec les autres, c'est parce que Dieu a partagé d'abord avec nous. C'est le sens de l'aumône, mais aussi de la prière et du jeûne (je me prive de quelque chose pour pouvoir le donner à celui qui est nécessiteux, comme Dieu a partagé avec moi).
Frères et sœurs, Jésus nous invite à découvrir le vrai visage du Père et à découvrir notre vrai visage devant lui. C'est ce que S. Paul appelle dans sa 2 Co « se réconcilier avec Dieu ». C'est cela la conversion. Le théologien, H.U. von Balthasar dit que le Père est « profondeur », « origine insondable », « sans-fond originel de l'amour », « abîme » ou « abîme d'amour ». Et si nous avons encore peur, Jésus nous invite à nous associer à lui, à sa relation avec le Père, une relation à visage découvert, une relation de vérité et d'amour, de confiance et de liberté.
Que ce carême nous rapproche du Père qui voit dans le secret.
fr. Maximilien