4° Dimanche de Pâques (C) Jn 10, 27-30

Aujourd'hui, c'est le dimanche du « Bon Pasteur », journée de prière pour les vocations.

A quoi pensons-nous quand nous entendons les mots « pasteur », « pastorale » quand nous désirons que nos prêtres, nos évêques et notre pape soient des pasteurs ? Nous imaginons plus ou moins consciemment des managers avec certaines qualités de bonté et d'accueil, un rassembleur, avec une passion égale pour ceux qui sont loin et ceux qui sont proches, etc. Chacun de nous a son petit « portrait-robot » du pasteur idéal, et gare à ce pasteur s'il ne correspond pas à notre imaginaire !

Quant à la « pastorale », pastorale de ceci, pastorale de cela, elle n'évoque plus rien de bucolique, ni rien de l'entrain joyeux de la symphonie pastorale de Beethoven, mais plutôt une organisation assez lourde, de services diocésains et paroissiaux. Que de « plans pastoraux » avons-nous vu passer, entrecoupés par des synodes diocésains et des conseils paroissiaux ? Rien à voir avec des agneaux bondissant sur de gras pâturages sous la garde d'un paisible berger et d'un chien courant de droite à gauche pour rassembler les bêtes vagabondes et chasser les intrus.

Et pourtant, nous ne cessons de réclamer à cors et à cris, de bons pasteurs, sans trop savoir ce que chacun met derrière cette image idéale. Et le pauvre pasteur, bien réel celui-là, ne sait comment rassembler tous ces rêves et désirs contradictoires de brebis qui tirent à hue et à dia.

Les évangiles nous montrent notre Seigneur Jésus qui a bien du mal à maintenir son petit troupeau dans l'unité. De leur côté, les apôtres et les disciples ont bien du mal à comprendre Jésus et ne se privent pas de lui faire des remarques et des reproches : « ce n'est pas comme cela qu'il faut faire quand on veut réussir ! » lui disent à leur manière ses frères et Pierre. Et Jésus de leur faire cette confidence douloureuse : « vous allez tous m'abandonner et me laisser seul… » Souvent, le berger, le pasteur, éprouve la solitude. A qui va-t-il pouvoir se confier ? Il ne lui reste souvent qu'un brave chien de berger qui essaie de comprendre la tristesse de son maître et le tire par le bas de son pantalon pour qu'il reprenne la marche avec son troupeau. Dans les évangiles, seules les femmes restent fidèles jusqu'au bout et assurent le lien de la vie par-delà la mort de Jésus. Elles aussi ont leurs petits défauts, elles voudraient garder et retenir Jésus comme l'épouse du Cantique des cantiques veut retenir son Bien-aimé : « je le tiens et je ne le lâcherai pas ! » Il y a là une inconsciente inversion des rôles : c'est Jésus lui-même qui nous dit aujourd'hui qu'il ne nous lâchera pas et que personne ne pourra nous arracher de sa main, ni de la main du Père.

Oui, il n'y a qu'un seul pasteur. Souvent nous sommes tentés par le totalitarisme : « un seul troupeau et un seul pasteur ! » Nous sommes tentés d'oublier que Jésus est mort et ressuscité. Jésus a refusé d'être le pasteur totalitaire de nos rêves. « Il est bon pour vous que je m'en aille » dit-il aux disciples en leur annonçant la venue de l'Esprit Saint qui doit nous conduire à la vérité tout entière, c'est-à-dire vers « le Père qui est plus grand que tout » comme nous le rappelle l'évangile de ce dimanche. Oui, il n'y a qu'un seul Pasteur et nos prêtres et pasteurs le savent bien, tant que nous n'en faisons pas des petits chefs et que nous ne les entraînons pas dans nos vanités et nos disputes ! Le vrai prêtre est celui qui nous montre Jésus, le seul Pasteur, l'unique et souverain prêtre, c'est celui qui tourne nos regards vers le Père et qui nous invite à accueillir l'Esprit Saint dans nos cœurs. Le vrai prêtre est celui qui nous montre et nous ouvre le chemin de la liberté, de l'amour, de la vie, de la joie.

Oui, nous rêvons d'une société parfaite, bien organisée, bien huilée. Notre église, l'église de Jésus n'est pas cela et ne le sera jamais sauf dans le Royaume, quand ce monde ci ne sera plus et aura laissé place à la Jérusalem céleste. En attendant, l'église ressemble davantage à ce peuple qui sortit en pagaille de l'esclavage de l'Egypte, un ramassis hétéroclite, précise l'écriture, qui ne cessa de donner du fil à retordre à Moïse et à Aaron. Oui, un peuple indocile et rebelle, qui avance cahin-caha, dans la Joie, ivre de joie, vers la Terre Promise où Jésus nous précède et nous attend.

Prions pour notre pape Léon afin qu'il nous rassemble et nous guide sans se décourager !

F. Pierre