33° Dimanche du TO (C) Lc 21, 5-19
C'est par votre persévérance que vous garderez votre vie. Le mot grec upomonè traduit bien cela ainsi que la constance, l'endurance, la patience, le souffle long du coureur de fond, le tout dans le calme recommandé aujourd'hui dans la seconde lettre aux Thessaloniciens. Oui, en cette fin d'année liturgique, en cette année civile marquée par tant d'événements tragiques que l'on pourrait volontiers mettre en parallèle avec les descriptions apocalyptiques de notre Évangile, voici que nous sommes invités en quelque sorte à l'espérance contre toute espérance, thème de l'année sainte en cours ; invités à une confiance à toute épreuve qui n'a cependant rien d'un quiétisme béat mais qui suggèrent singulièrement d'avoir un sens aiguisé pour discerner malgré tout la volonté du Seigneur en tous ces nombreux signes des temps non seulement dans la grande Histoire mais aussi dans chacune de nos propres histoires saintes, familiales, communautaires, personnelles.
Une expression qui n'est pas dans notre Évangile mais qu'il suggérerait bien serait aussi ce n'ayez pas peur de Jésus si souvent repris par nos papes contemporains. Et comment ne pas avoir peur en d'extrêmes conditions comme les guerres, les persécutions ou les fléaux naturels sinon, facile à dire, en se laissant inspirer comme le dit Jésus, de l'intérieur, ce langage nouveau, cette sagesse inébranlable face à laquelle rien ne pourrait résister.
Une sagesse qui commencerait bien par l'acceptation évidente de ne pas en être à l'origine et donc de l'accueillir au plus profond de son cœur tant dans les grands événements de notre existence que dans les multiples médiations de la banalité de notre quotidien marqué, nous le savons, par tant de tâches à accomplir et relations à gérer, à assumer ; quotidien qui, pour certains, pourra être synonyme d'immobilisme et de solitude mais qui sera toujours le moment favorable pour accueillir cette vie qui nous vient d'ailleurs, pour accueillir cet amour déraisonnable qui arriverait bien à s'infiltrer au milieu des adversités, au milieu de ces conflits qui commencent si souvent et sournoisement par le mépris discret et l'incompréhension butée voire l'arrogance suffisante nourrie de l'ignorance.
Comment reconnaître alors les signes de notre Dieu doux et humble de cœur dans ce brouhaha de notre monde disait en substance un François Varillon, sinon en tâchant de Lui ressembler un tant soit peu par une humilité qui n'exclura nullement courage et force, par une simplicité pouvant passer par une plus grande simplification dans nos vies, par une sobriété heureuse pour reprendre une expression du sage Pierre Rabhi, par un désencombrement certain d'inutilités et autres complications, la complication pouvant bien être une marque du malin.
Oui, comment reconnaître notre Dieu vivant au milieu de tout ce bruyant chaos, sinon en commençant par accueillir un peu de sa paix et en tâchant d'en témoigner quelque chose, sinon en tâchant, comme le prophète Élie au mont Horeb, d'être attentif au murmure de cette brise légère, au bruit de ce fin silence, duquel Dieu lui parlait comme Il entend aujourd'hui nous parler au cœur, comme Il entend aujourd'hui parler au cœur de tout homme, de toute femme, sans exception. Entendons-Le alors nous dire encore aujourd'hui : c'est par votre persévérance que vous garderez la vie. Cette vie qu'Il nous a donnée et qu'Il continue de vouloir nous donner avec toujours plus de largesse en sachant nous rejoindre au milieu de nos peines, souffrances et tombeaux, au milieu de nos espérances et joies.
Laissons-Lui la joie de nous laisser rejoindre à sa façon par son amour déraisonnable. Laissons-nous aussi la joie de l'approcher par la rencontre avec autrui, en approchant notamment ces plus démunis, ces pauvres de l'Evangile dont parle avec insistance notre pape Léon dans sa récente exhortation apostolique Dilexi te, non tant pour nous donner mauvaise conscience mais justement, pour nous faire prendre conscience que c'est à partir de notre fragilité et pauvreté assumée, associée à une charité inventive, que nous pourrons le reconnaitre comme un égal en humanité, en divinité, chacun selon son espèce. Comme le rappelle encore notre pape Léon : « Que ce soit par votre travail, votre lutte pour changer les structures sociales injustes, ou encore par ce geste d'aide simple, très personnel et proche, il sera possible pour ce pauvre de sentir que les paroles de Jésus s'adressent à lui, à chacun d'entre nous : Je t'ai aimé. Dilexi te.
F. Philippe-Joseph