3° Dimanche du TO*C Lc 1, 1-4 et 4, 14-21
Frères et sœurs, est-ce qu'il vous est déjà arrivé de pleurer pendant un film, de sortir du cinéma les joues mouillées (vous avez oublié votre mouchoir...) ? Est-ce qu'il vous est déjà arrivé d'avoir des larmes dans les yeux en écoutant une musique, religieuse ou pas, ou pendant la liturgie, en chantant un psaume ? Vous est-il déjà arrivé d'être ému en vous souvenant de votre maison d'enfance, avec son climat, ses odeurs ? Ou peut-être, il vous est arrivé d'être bouleversé en présence d'une personne, bouleversé par son amour et son acceptation inconditionnelle pour vous ? J'espère que chacun de nous a pu déjà vivre une situation semblable, car parfois elle est le commencement d'un nouveau départ, d'une nouvelle manière d'être dans le monde, d'une nouvelle manière de vivre notre vie.
Le prophète Néhémie nous rapporte aujourd'hui que tout le monde pleurait en écoutant les paroles de la Loi pendant une célébration de la Parole. Après l'exil à Babylone, ce sont des retrouvailles avec ce qui constitue l'identité juive : la Loi de Moïse, la Torah. C'est un moment spirituel fort qui émeut l'assemblée. A vrai dire, nous ne savons pas si les gens pleurent car ils se sentent coupables d'avoir délaissés la Loi ou parce qu'ils sont heureux de retrouver la Parole de Dieu et ses promesses, de renouveler l'Alliance avec le Seigneur, de se rappeler qu'ils sont le peuple élu de Dieu. Peut-être les deux à la fois.
Le texte que nous avons entendu n'est pas le texte complet du ch.8 de Néhémie. Il y a des coupures qui nous mettent en erreur. Tout d'abord, nous pouvons avoir l'impression que tout est organisé par le prêtre Esdras qui préside la cérémonie. Cependant, dans le verset 1 qui a été omis, nous lisons que « Tout le peuple se rassembla comme un seul homme sur la place située devant la porte des Eaux. On demanda au scribe Esdras d'apporter le livre de la loi de Moïse, que le Seigneur avait prescrite à Israël. » (Ne 8,1) L'initiative vient donc du peuple et non d'Esdras. Esdras obéit au peuple et il se met à lire le livre, en étant sur un podium, face au peuple. A vrai, il n'est pas seul sur le podium et il n'est pas seul à lire. Nous le savons grâce aux versets omis. Il y a au moins treize autres personnes nommées qui lisent et qui, en plus, commentent et expliquent la Parole de Dieu. La célébration de la Parole est donc un acte communautaire, voulu par le peuple et non imposée par un prêtre qui aurait toutes les clés de lecture. Elle est un évènement où on rend gloire à Dieu, en lisant sa propre vie à travers sa Parole.
C'est ce que fait Jésus dans la synagogue de Nazareth : il lit sa vie, sa mission, à travers la Parole de Dieu ou plutôt, c'est la Parole de Dieu qui les lit. Comme l'annonçait le prophète Isaïe, Jésus est oint par l'Esprit Saint. Il est donc le Messie envoyé pour l'Esprit Saint annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres, la libération aux captifs, la vue aux aveugles, pour apporter la liberté aux opprimés.
À travers la parole humaine de la Bible, la Parole de Dieu lit aussi nos vies, elle nous montre l'action de l'Esprit Saint dans nos vies. S. Paul nous décrit cette action dans sa première lettre aux Corinthiens. Il dit que l'Esprit Saint nous désaltère, c'est-à-dire qu'il sait combler nos désirs, nos soifs, nos manques. L'esprit Saint nous unit au Christ. Et rien ne peut nous séparer de son amour ! L'Esprit Saint nous donne une mission, des dons, des charismes, à chacun différents, et il agit par ses dons dans le monde et dans l'Église. Est-ce que j'accepte les dons que j'ai reçus, comme le peuple hébreu revenu de la captivité accepte d'être le peuple élu, comme Jésus qui accepte et accueille sa mission de libération des opprimés ? Jésus est cohérant, sa vie est alignée à cette mission du libérateur : libérateur du péché, libérateur du fardeau d'une religion légaliste et sans compassion, libérateur d'une image de Dieu qui n'aime pas, libérateur enfin d'un potentiel qui est en chacun de nous (comme il l'a fait p.ex. pour les apôtres, pour S. Paul, pour Zachée, pour des aveugles et malades, etc.).
Frères et sœurs, si S. Luc n'avait pas accepté sa mission, son intuition, son don de chercheur, d'explorateur, d'écrivain, le don d'affection pour Théophile, il n'aurait pas écrit son évangile à Théophile et le monde serait plus pauvre et nous aussi. Alors, nous pouvons être touchés, car Théophile, ami de Dieu, c'est chacun de nous et c'est à chacun de nous personnellement que Luc s'adresse, que Dieu s'adresse à travers la parole d'un homme. Alors, laissons-nous lire par la Parole de Dieu.
fr. Maximilien