2° Dimanche du TO*C Jn 2, 1-11

Voilà une page d'évangile relatant l'histoire bien connue et en apparence si simple d'une noce où l'on manque de vin, l'histoire bien connue d'un singulier miracle de Jésus transformant en vin de qualité une grande quantité d'eau à la propreté douteuse parce que dans des cuves d'ablutions. Mais, au-delà de l'imagerie folklorique de cet épisode qui est propre à l'évangile de Jean, en quoi pourrait-il nous concerner, nous toucher ? Peut-être nous révélerait-il bien la délicatesse et l'humilité d'un Dieu pour qui le quotidien des hommes dans les joies et leurs souffrances n'est pas sans son poids de sens, de signification ? Épisode bien concret qui est si riche d'une signification dont le dévoilement, comme c'est souvent le cas dans l'Évangile de Jean, ne va pas être immédiat et va requérir un peu d'attention, notamment quant à la place de ce passage dans la chronologie des premiers signes de la vie publique de Jésus.

Le miracle des noces de Cana intervient en effet au terme d'un temps commencé dans le désert avec la prédication de Jean Baptiste, avec le baptême et l'appel des premiers disciples. Nous sommes donc juste avant sa première montée, sa première Pâques à Jérusalem qui annonce déjà sa Passion et sa Résurrection. Mais nous sommes toujours en quelque sorte dans cette ambiance de Noël, d'Épiphanie et de baptême, bref dans l'ambiance de ce mystère d'incarnation, de ce mystère du partage de notre humaine condition dans laquelle Jésus vient encore nous rejoindre, aujourd'hui comme à Cana dont le nom lui-même n'est pas sans signification. Cana, étymologiquement le lieu des roseaux, pourrait bien rappeler en effet la fameuse mer des roseaux que le Peuple d'Israël traversa à pieds sec pour sortir de la servitude d'Égypte et entrer librement dans cette alliance de vie proposée par Dieu.

Cana, lieu de deux significatifs signes d'Alliance et de vie manifestés par Jésus qui s'y rend toujours sur invitation : la première fois pour un mariage, une fête d'alliance, la seconde fois, pour la guérison et le retour à la vie du fils d'un haut personnage, d'un officier royal. Deux passages aux connotations pascales fortes et qui se terminent toujours par un acte de foi, par le verbe croire : « Et ses disciples crurent en Lui. » « Et l'officier crût, lui et toute sa maisonnée. »

Des signes aux accents de Pâques qui devraient faire comprendre en quelque sorte que la présence de Jésus, aussi humble, discrète et familière soit-elle, n'est jamais neutre et ne peut que transformer, dilater ce qui s'y trouve, si tant est que nous ayons la présence d'esprit de l'inviter, de lui ouvrir la porte en n'ayant pas peur des conséquences qui pourront nous surprendre voire nous déconcerter.

A Cana, Jésus commence donc à donner saveur à ce qui n'en avait plus et aussi donner vie à qui allait mourir. Mais voilà que cette présence n'est pas soulignée n'importe comment et que Marie n'y a pas peu sa place dans cette révélation, du moins pour le signe des noces. Une place toute d'attention et de délicatesse de Marie qui pourrait nous inviter à être attentifs, à écouter la parole de vie de son fils : « Faites tout ce qu'Il vous dira. »

Cela signifierait bien que si nous commençons un tant soit peu à faire ce qu'Il nous dit, selon la recommandation de Marie, en commençant par écouter avec un peu attention, nous pourrions bien trouver au cœur de nos vies ce vin nouveau et le partager à notre tour, lui donnant en quelque sorte le goût de notre terroir, chacun selon sa nature, selon son cépage, selon son charisme propre à discerner en vérité.

Sa présence pourra donc nous dévoiler en vérité notre voie, notre vocation, nos charismes propres et nous faire devenir terroir fertile, terre d'une joie spacieuse et d'une vraie espérance, thème de cette année sainte 2025. Osons alors rentrer un peu plus dans ce temps du Christ Ressuscité qui ne cesse pas de venir en tout temps comme le disait saint Bernard et où notre vie prendra alors tout son poids de gloire, c'est à dire toute sa densité, tout son sens.

Oui, osons l'écouter et commencer à faire ce qu'Il nous dira pour que déjà en ce monde nous puissions donner nous même à boire, partager ce breuvage pouvant désaltérer nos frères et sœurs, pouvant permettre d'entrer dans une traversée de la mer des roseaux, dans une pâque, un passage sur un chemin de la mort à la vie, pouvant donc donner saveur, espoir et amour, espérance contre toute espérance même au cœur des pires difficultés et des plus grandes divisions. La semaine de prière pour l'unité des chrétiens qui s'est ouverte hier pourra nous y inviter.

f. Philippe-Joseph