29° Dimanche du TO (C) Lc 18, 1-8

Le Fils de l'homme, trouvera-t-il la foi sur la terre quand il viendra ? Belle question en ce dimanche de la mission universelle de l'Eglise. A cette interrogation de Jésus pourrait volontiers faire écho la lettre à Timothée : Demeure ferme dans ce que tu as appris. Et voilà peut-être le point commun des trois lectures de ce dimanche.

Une persévérance certaine dans la foi, une espérance à toute épreuve : celle de Moïse se maintenant en prière jusqu'au soir sur le sommet d'une colline alors que se joue en contrebas le sort des Hébreux, celle de cette veuve plus qu'insistante, voire exaspérante, demandant justice auprès d'un juge douteux. Persévérance dans une confiance que Jésus nous recommande d'avoir vis-à-vis du Père, vis-à-vis de ce Dieu autrement plus proche et intime à nous-mêmes que nous-mêmes. Persévérance ferme enracinée profondément dans la Parole de vie dont la fréquentation devrait s'accompagner d'une praxis en cohérence avec la justice.
Une foi incarnée dans des œuvres, dans des attitudes, des gestes, si minimes soient-ils, de résistance au mal, la lettre à Timothée est particulièrement exigeante sur ces points : dénoncer le mal, redresser, éduquer dans la justice en n'ayant pas peur d'intervenir à temps et à contre-temps et n'oubliant pas non plus d'encourager au bien. Une exigence qui peut faire peur et que volontiers nous jugerions inatteignable pour nous ou réservé à des personnalités charismatiques exceptionnelles. Une foi résiliente résistant au mal est cependant possible pour tous, même à très petite échelle.
C'est ce qu'un écrivain russe du 20e siècle, en délicatesse avec le stalinisme, Vassili Grossman, appelait par exemple la résistance de la petite bonté. Cet auteur juif, devenu un fin pourfendeur du staliniste après en avoir été un sympathisant, a récemment été mis en avant dans les derniers livres de notre contemporaine Anne-Marie Pelletier, où elle parle volontiers de résistance d'humanité face au mensonge d'une violence qui serait le moteur de l'histoire, à l'inhumanité de la force sans le droit, face à la haine de l'autre niant son altérité. Face à une machine totalitaire qui écrase ou, plus insidieusement, qui manipule en prenant de subtiles formes consensuelles, qui prétend exclure toute altérité, rester ferme dans son humanité par la charité au ras du sol pourrions-dire. Et nos auteurs d'ajouter que la vérité de l'être humain est bien dans son humanité fragile, désarmée, trouvant le moyen de se maintenir jusque dans les lieux d'inhumanité.

Une bonté, une charité, une compassion qui peut commencer à s'exprimer par une marque de respect bienveillant aussi simple et minime soit-elle, maintenant l'autre dans son humanité, sa dignité. Dans sa récente exhortation apostolique Dilexi Te sur l'amour envers les pauvres, notre pape Léon XIV a d'ailleurs souligné la grandeur de ces petits gestes d'affection, de compassion, de solidarité envers ceux qui souffrent, comme Jésus n'a d'ailleurs jamais cessé de le faire, de nous l'enseigner pour que nous le fassions à notre tour, chacun selon ses dons et surtout, avec une forte espérance, une persévérante patience qui ne craint pas l'épreuve du temps comme pourrait encore le suggérer l'évangile du jour.

A ce sujet, peut-être n'avez-vous pas fait attention à ces quelques mots à la fin : Dieu ne ferait-il pas justice à ses élus qui crient vers Lui jour et nuit ? Les fait-il attendre ? Telle qu'est notre traduction, nous répondrions : non, car bien vite, il leur fera justice. Or d'autres traductions de ce passage grammaticalement difficile proposent : Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus tandis qu'il les fait attendre, ou tandis qu'il patiente à leur sujet, ou même encore, tandis qu'il prend son temps. Interprétations qui traduiraient un autre rapport au temps suggérant une maturation dans la durée. Oui, notre Dieu vivant qui nous a rejoint au cœur de notre fragile humanité est loin d'être sourd à nos appels, soyons-en certains, même s'il parait tarder dans ses réponses apparemment décalées. Lorsqu'on ne choisit pas la vie, Dieu se tait ai-je entendu d'un frère il y a bien longtemps. Alors, comme l'a rappelé notre pape Léon au début de son pontificat, ensemble, faisons le choix de la vie avec foi dans une espérance qui relie, qui unit dans le respect de l'altérité, dans la reconnaissance d'une fraternité reliée au même Père des cieux qui jamais ne se lassera de nous écouter.

F. Philippe-Joseph