La Sainte Famille (C) Lc 2, 41-52

Lorsque saint Luc écrit les Évangiles de l'enfance, il ne veut pas seulement parler de l'enfance de Jésus, mais il veut nous instruire sur la présence de Jésus dans nos vies, aujourd'hui.

Pour faire cela, il reprend le langage de la résurrection, c'est ainsi qu'il écrit le récit de l'épisode du recouvrement de Jésus au Temple avec les mots du récit des disciples d'Emmaüs :

Les deux épisodes se déroulent à Jérusalem et, dans les deux cas, Luc fait référence à la fête de Pâque ; dans les deux cas, on cherche Jésus sur le chemin et, dans les deux cas, on le retrouve au bout de trois jours.

Dans les deux textes, les mêmes verbes sont employés : retourner, monter et comprendre.

Au Temple, Jésus se tient au milieu des docteurs de la Loi, après le récit des disciples d'Emmaüs, Jésus se tient au milieu des disciples.

Lors de l'annonce de la résurrection, le Commentaire biblique de Jésus extasie les disciples d'Emmaüs (« Notre cœur n'était-il pas tout brûlant en nous alors qu'il nous parlait en chemin »), de même les paroles de l'enfant extasient les Docteurs de la Loi.

Le message des disciples d'Emmaüs est que le Christ est au milieu de nous ; il est là, rendu présent, par le fait même que nous le cherchons et que nous souffrons. Dans chaque eucharistie, nous en faisons l'expérience.

Le Message du recouvrement de Jésus au Temple est de ne pas s'inquiéter à propos de l'absence physique de Jésus… Ce n'est pas parce qu'il est auprès du Père et que nous ne le voyons pas, qu'il n'est pas avec nous !

Pourquoi saint Luc reprend-il le langage de la résurrection pour parler du recouvrement de l'enfant-Jésus au Temple de Jérusalem…

Peut-être pour répondre à la question de Marie qui est en chacun de nous : « Pourquoi nous as-tu fait cela ? »

La question de Marie est celle des chrétiens, des familles chrétiennes ou des communautés chrétiennes qui « souffrent » dans les épreuves de ne plus percevoir sensiblement le Christ à leurs côtés. Si Jésus est Sauveur, pourquoi n'est-il pas présent, en ce moment difficile, au milieu de nous ?

La parole de l'enfant Jésus est destinée à leur répondre. L'absence n'est pas un abandon mais le signe d'une présence plus profonde qui, à la fois, nous laisse dans le désarroi et, à la fois, nous fait voir plus loin, plus profond

Dans le même Évangile de Luc, dans les récits de la résurrection, lorsque les femmes cherchent le cadavre de Jésus, pour retrouver sa présence, nous avons ce verset : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ?  Il n'est pas ici, il est ressuscité… Il vous précède en Galilée. »

Alors, en quoi cette page d'Évangile concerne-t-elle nos familles ?

Jusqu'à ce jour, Marie et Joseph dirigeaient tout dans la vie de leur enfant, aujourd'hui, il a disparu depuis trois jours alors qu'il n'est encore qu'un enfant, cela ne peut être pour eux qu'une déchirure. Chaque parent, d'une manière ou d'une autre, a eu à vivre cette expérience !

Cette incompréhension fait toucher du doigt le Mystère de Dieu que porte l'enfant. Ce Mystère que l'on ne commence à comprendre que lorsqu'on ne le comprend plus.

Pourtant, dans cet épisode, Jésus ne s'émancipe pas vraiment vis-à-vis de ses parents, il n'est pas encore assez grand pour vivre seul et l'Évangile nous dit qu'il leur sera de nouveau soumis par la suite.

Cet épisode constitue pourtant pour Marie et Joseph une croissance, celle de découvrir que s'ils aiment leur enfant, il ne leur appartient pas, ils ne peuvent pas en faire leur propriété et la question de Jésus : « ne saviez-vous pas ? » n'apporte aucune explication, mais montre la bonne direction, la juste distance… Notre enfant n'est pas que notre enfant !

Marie et Joseph apprennent à ne pas comprendre. Marie a dit « oui » à l'Annonciation et elle s'est donnée tout entière dans ce « oui », aujourd'hui, elle apprend que cela n'est pas encore suffisant…

Vivre un tel don de soi dans l'incompréhension n'est pas une affaire d'intellect. C'est un mouvement profond du couple qui implique et impliquera de plus en plus toute leur personne.

Un jour, leur enfant retournera au Père dans une souffrance que la Mère et le Fils partageront ensemble et, sur la croix, le Fils aussi posera une question au Père qui restera sans réponse : « Pourquoi m'as-tu abandonné ? ».

Ce qu'a vécu la « Sainte Famille » dans l'expérience de la sainteté et Marie, dans son immaculée conception, nous avons aussi à le vivre dans nos familles, avec l'expérience du deuil, de la maladie, des infirmités psychologiques et autres, mais aussi (et cela complique les choses) dans l'expérience du péché.

Dans chaque épreuve, cet Évangile veut nous donner une certitude : Dieu nous aime et ne nous abandonne pas dans l'épreuve… et ce message d'amour n'est intelligible que si nous acceptons le Mystère et le fait de ne pas comprendre ce qui nous arrive.

Si notre enfant nous échappe, si notre conjoint nous échappe, il n'échappe pas à l'amour de Dieu et nous verrons s'ouvrir en nous une dimension nouvelle, parfois dans un silence d'amour douloureux, celle de la liberté, et dans la découverte d'une Vie qu'aucune épreuve ne pourra détruire, la Vie du Ressuscité !

Tel est le Mystère d'amour de chacune de nos familles, à la fois, traversées par la joie de Noël et par celle de la Résurrection, parce que profondément marquées par le Mystère pascal.

fr. Jean-Luc