L'Épiphanie du Seigneur Mt 2, 1-12

Frères et sœurs, si vous conduisez une voiture, ou pas, vous savez que pour avancer on ne peut pas appuyer à la fois sur la pédale d'accélérateur et sur celle de frein. Sinon, la voiture va faire beaucoup de bruit, mais elle n'avancera pas. Comme pour la voiture, dans notre foi aussi nous pouvons appuyer sur la pédale de frein, tout en voulant avancer vers Dieu. Alors, quelles sont ces freins et ces accélérateurs dans notre relations avec Dieu ? Nous pouvons repérer quelques-uns dans l'attitude et la foi du roi Hérode et des mages de notre évangile.

La première chose qui nous frappe dans l'attitude du roi Hérode par rapport à l'enfant Jésus, c'est la peur. « Hérode fut bouleversé et tout Jérusalem avec lui », nous dit l'évangéliste. Hérode a peur de Dieu et de sa venue dans le monde. Pour lui, Dieu est une menace, un danger, il est quelqu'un dont il faut se méfier. Nous savons par ailleurs, que pour les grands prêtres et les scribes qui sont des conseillers religieux d'Hérode, Dieu est d'abord un gardien de la loi, un surveillant qui se concentre sur nos péchés pour nous punir ensuite, ici-bas ou après la mort. Ils vivent leur foi dans une certaine anxiété, dans la peur, comme si Dieu leur voulait du mal. Et si ce Dieu s'incarne, cela effectivement fait peur… Difficile d'aller à sa rencontre. Un frein intérieur nous dit « non ».

Les mages à leur tour, « ils virent l'étoile, ils se réjouirent d'une très grande joie. » Ce qui les caractérise, c'est la joie, la joie dans leur recherche de Dieu, la joie dans l'espérance de le rencontrer, de vivre quelque chose extraordinaire, la joie qui est curieuse ou plutôt la curiosité qui est joyeuse. Dans notre foi, nous pouvons nous aussi, nous donner de l'autorisation de vivre la joie, d'avoir une disponibilité, une ouverture pour la vivre. Cela ne veut pas dire que nous allons sourire tout le temps, être toujours contents et gentils. Cela veut dire que pour nous Dieu est un Dieu bon, le Bon Berger qui apporte la paix et l'amour.

Une autre caractéristique de l'attitude du roi Hérode que nous pouvons repérer, c'est une sorte de crispation, un manque de liberté intérieure par rapport à son pouvoir et aux changements possibles. Quand il apprend qu'un « roi des Juifs vient de naître », il comprend cette nouvelle littéralement. Il prend Dieu pour un adversaire, un rival qui pourrait prendre sa place de roi. Il ne sait pas que le Royaume de Dieu est d'un autre ordre que le sien. En quelque sorte, Hérode est enfermé dans sa vision du monde, dans ses convictions et dans sa peur de perdre sa position. Et il n'est pas ouvert à ce que ce nouveau roi pourrait lui proposer, lui apporter. Il n'est pas ouvert aux changements. C'est difficile de s'approcher d'un dieu qui cherche à nous humilier, à nous enlever notre liberté, notre position, à prendre toute la place.

Quant aux mages, ils sont ouverts à l'altérité. Ils se laissent guider par la lumière d'une étoile, par un autre vers un autre. Et après la rencontre avec Jésus, « avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin ». Logiquement, il serait plus facile de revenir par le même chemin, déjà connu, plutôt que de chercher un autre, d'errer peut-être, de s'exposer à des risques. Notre foi aussi implique des adaptations, des ajustements, des évolutions. Elle implique une écoute attentive de Dieu, une ouverture aux intuitions venues de l'Esprit Saint, aux changements possibles, une disponibilité à aller vers ce qui est nouveau.

Ce qui caractérise encore l'attitude d'Hérode, c'est un manque de sincérité. Pendant sa rencontre avec les mages, il dissimule ses vraies intentions. Il traite les mages d'une façon instrumentale pour arriver à ses fins. Difficile de conjuguer la foi en Dieu avec la duplicité et la dissimulation. Difficile de réconcilier l'amour envers Dieu avec l'abus du prochain. 

Les mages de leur côté, quand ils ont vu l'enfant avec Marie sa mère, « ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l'or, de l'encens et de la myrrhe. » Les mages donnent. Ils sont près à perdre quelque chose pour l'autre, pour Dieu. Face à l'autre, ils se situent non comme des prédateurs, comme Hérode, mais comme des serviteurs. Servir, se donner, nous approche de Dieu. La foi est un don de soi, en confiance, dans la durée.

Frères et sœurs, dans la voiture de notre foi, il nous arrive parfois de freiner plus ou moins fort avec les freins qui s'appellent p.ex. : la peur de Dieu, une concentration exclusive sur nos bénéfices personnelles, un manque d'amour pour nous-mêmes et pour les autres, des préjugés négatifs. Il nous arrive aussi d'accélérer par la joie, par l'ouverture à l'autre, à la nouveauté divine, par le soin que nous prenons les uns des autres, par le don de soi. La bonne nouvelle, ce que l'étoile de Dieu, sa bienveillance, veille sur nous et oriente notre chemin vers lui. Alors, cette année, prenons plaisir de marcher vers et avec le Seigneur. Qu'il nous conduise « jusqu'à la claire vision de sa splendeur » (prière d'ouverture). Amen.

fr. Maximilien