2° Dimanche du TO*B Jn 1, 35-42

A quoi le Seigneur nous appelle-t-il ?

Frères et sœurs, telle est la question que bien des croyants se posent et dont ils demandent à Dieu de leur faire connaître la réponse.
Cette réponse reste souvent incertaine. Pourquoi ?
Les récits de vocation de la liturgie de ce dimanche peuvent nous apporter un éclairage sur ce point précis.
Que ce soit pour Samuel ou pour les Apôtres, l'initiative de la rencontre ne vient pas d'eux, elle vient d'un autre.
Qu'il s'agisse de Samuel, de Simon-Pierre ou des autres, ils sont tous invités par Quelqu'un qu'ils n'avaient pas prévu de rencontrer, ou, en tout cas, certainement pas dans ces conditions.
Ainsi le propre de la foi est bien souligné dans ces appels, aucun des quatre personnages des lectures de ce dimanche n'est devenu disciple par lui-même.
Chacun, d'une manière ou d'une autre, a eu besoin d'une tierce personne... Ce n'est pas 1'homme qui cherche Dieu, c'est Dieu qui va au-devant de l'homme...
En effet, dans le christianisme, le point de départ, est l'Incarnation du Verbe que nous venons de célébrer au cours de ces fêtes du temps de Noël.
Ici, ce n'est plus seulement l'homme qui cherche Dieu, mais c'est Dieu qui vient en personne parler de lui-même à l'homme et lui montrer le chemin qui lui permettra de le connaître, de l'atteindre, de le rejoindre.
Aussi, pour le rencontrer ou pour le reconnaître, nous avons tous besoin, frères et sœurs, de l'appui d'une autre personne.
L'appel est réel autant que la Parole de Dieu est efficace, rappelons-nous le dernier verset du premier livre de Samuel dans la première lecture de ce jour :
Samuel grandit. Le Seigneur était avec lui, et il ne laissa aucune de ses paroles sans effet.»[1]
De même, l'Evangile de ce dimanche nous donne également le témoignage d'une rencontre très importante, décisive et qui nous concerne.
Frères et sœurs, retenons simplement deux moments de ce passage de l'Evangile selon saint Jean :
le regard du Christ sur Simon-Pierre
et le rapide dialogue qui a précédé l'engagement des deux premiers disciples :
«Rabbi, où demeures-tu ? »
«Venez, et vous verrez».[2]

Jésus regarde Simon que lui a amené son frère André.
Nous l'imaginons bien ce regard fascinant du Christ, un regard qui perce les profondeurs de l'être, un regard tout à la fois de tendresse et d'autorité, regard qui dénude et libère, qui invite et engage, qui destine et déjà renouvelle celui sur qui il se pose.
Qui d'entre nous n'a pas, un jour, éprouvé ce regard pénétrant de Jésus-Christ et entendu sa secrète invitation :
«Toi, suis-moi ! »

Peut-être est-ce la peur de ce regard, que nous ne percevons que dans la solitude, et la peur de cette voix, qui ne s'entend que dans le silence, peut-être aussi est-ce la crainte d'être appelé et d'être saisi par cette puissance d'amour, qui nous font si volontiers nous réfugier dans le tumulte des foules et souvent préférer le bruit au silence ?
Car nous soupçonnons bien qu'il y a un dessein de Dieu, un projet du Seigneur pour chacun d'entre nous, et que, si cette volonté divine est une volonté de bonheur et de salut, elle implique aussi l'inconfort de la croix, c'est-à-dire du renoncement pour le service, pour le partage et pour un témoignage plein de risques, en somme pour une aventure aussi inconfortable qu'imprévisible.

Rappelons-nous les Béatitudes :
«Heureux les pauvres de cœur…Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice…»[3].
Peut-être aussi cette crainte d'être surpris et dérangé est-elle à l'origine de l'incroyance de beaucoup de nos contemporains : nier Dieu, le refuser n'est-ce pas une façon radicale d'échapper en quelque sorte à son entrée, à sa présence dans nos vies ?

Simon, préparé et purifié par le baptême du Précurseur, a accueilli le regard de Jésus ; il a accepté que celui-ci le nomme désormais Pierre, c'est-à-dire Rocher, lui signifiant ainsi sa surprenante vocation : devenir un roc pour ses frères et bientôt pour la cohésion du nouveau peuple de Dieu qui s'appellera l'Eglise.
Et nous savons ce qu'impliquera pour Simon-Pierre une telle destinée :
«Quand tu seras devenu vieux, lui prédit le Maître, tu étendras les mains, et c'est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t'emmener là où tu ne voudrais pas aller.»[4]

Frères et sœurs, comment ne pas entendre pour nous-mêmes, la question posée par Jésus à ses premiers disciples, et comment ne pas tenter de répondre, de toutes nos forces, à son invitation :
«Venez, et vous verrez »[5] ?

N'est-ce pas sur les chemins de l'existence quotidienne que nous pouvons rencontrer le Seigneur !
Regardons les disciples qui, accourus aux rives du Jourdain pour écouter les paroles du dernier des grands prophètes, Jean le Baptiste, se virent indiquer Jésus de Nazareth comme le Messie, l'Agneau de Dieu ?
Poussés par la curiosité, ils décident de le suivre à distance, presque timides et embarrassés, jusqu'à ce que Lui-même, se retournant, leur demande :
«Que cherchez-vous ? », suscitant ainsi ce dialogue qui est le commencement de l'aventure de Jean, d'André, de Simon-Pierre et des autres Apôtres.
Dans le concret de cette rencontre surprenante, décrite en quelques mots essentiels, nous retrouvons l'origine de tout parcours de foi. C'est Jésus qui prend l'initiative.
Quand nous avons à faire à Lui, la question est toujours retournée : d'interrogeants, nous devenons interrogés, de chercheurs nous nous trouvons «cherchés».
C'est Lui, le Christ, qui, en fait, depuis toujours nous aime le premier.

Telle est la dimension fondamentale de la rencontre.
Nous n'avons pas à faire à quelque chose, mais à Quelqu'un, au Vivant.
Chrétiens, nous ne sommes pas les disciples d'un système philosophique : nous sommes des hommes et des femmes qui ont fait, dans la foi, l'expérience de la rencontre avec le Christ.

Aussi, frères et sœurs, avec les premiers Apôtres laissons-nous d'abord saisir par l'appel au silence, l'appel à une présence paisible et amicale, dans la prière, appel que le Seigneur nous adresse dans l'Evangile de ce jour.
Et puisque jeudi prochain nous entrons dans la Semaine de Prière pour l'Unité des chrétiens, sachons témoigner que seul Jésus Christ, Fils de Dieu, Sauveur du Monde, amoureux inconditionnel de l'homme, seul Jésus Christ peut être le germe et le ciment de cette unité à laquelle nous aspirons tous.

Ses dons sont toujours des appels à le suivre, à partager sa vie qu'il nous offre totalement.
Sa Parole est une semence jetée en terre, une porte ouverte sur la vie éternelle que personne ne pourra jamais refermer.

Annonçons donc avec joie à tous les hommes, dans la diversité de nos situations et de nos vocations, annonçons avec joie qu'ils sont appelés à vivre en fils de Dieu et que c'est là le sens dernier de toute existence humaine.

«Rabbi, où demeures-tu? »[6]

Frères et sœurs, suivre le Seigneur, accueillir son regard qui pénètre, qui renouvelle le cœur, qui transforme les comportements et engage dans l'aventure chrétienne :
voilà qui exige, certes, du courage.
Que l'Esprit-Saint nous conduise jusqu'à cette demeure où l'amour rencontre la joie du Salut !
Amen.

Fr. Benoît-Marie

[1] 1 S 3, 19.

[2] Jn 1, 38-39.

[3] Mt 5, 3. 10

[4] Jn 21, 18b.

[5] Jn 1, 39.

[6] Jn 1, 38.