Sainte Marie, Mère de Dieu Lc 2, 16-21

Chers frères et sœurs, dans les icônes des premiers siècles, on représente la Vierge Marie et l'Enfant Jésus dans une grotte, une caverne abritant des animaux. De fait, des fouilles archéologiques ont mis au jour des réseaux de grottes qui ont servi de demeures pendant plusieurs siècles. Cela nous fait penser aussi à toutes les maisons troglodytes creusées à même la roche, au Moyen-Orient. L'évangile ne mentionne pas de grotte, mais c'est pourtant ainsi que la tradition s'est représenté la mangeoire dans laquelle est né le Christ. La première attestation nous vient de saint Justin au 2ème siècle. Elle a été reprise par les Pères de l'Église, et la mémoire populaire s'en est emparée. Dans l'icône de la Nativité, cette grotte ressemble à une coquille d'œuf qui vient de s'ouvrir. C'est le lieu symbolique de la matrice originelle et nourricière (Bethléem veut dire « maison du pain » en hébreu), et de la protection offerte par Dieu pour son Fils. Le sein de Marie est bien évidemment ce lieu matriciel, dans lequel Jésus a pu se développer avant sa naissance. Si la Vierge Marie est apparue à sainte Bernadette dans une grotte, à Lourdes, ce n'est pas pour rien. La grotte, la caverne souterraine a une signification théologique. C'est un lieu d'où coule une source, le lieu de la naissance de Jésus, mais aussi celui de sa mort et de sa résurrection. Le tombeau était probablement creusé dans la roche, lui aussi. Pour nous sauver, le Christ est descendu au plus profond de notre humanité,  jusque dans les enfers, d'où il est sorti vivant et ressuscité.

Huit jours après la naissance de l'enfant, vient le moment de sa circoncision, nous dit l'évangile. C'est ce jour-là que l'on donne le nom de Jésus, « Le Seigneur sauve » à  celui qui vient de naître. Nous sommes précisément au huitième jour, à la fin de l'Octave de Noël. Ce huitième jour, nous le savons, a également une signification théologique extrêmement forte. C'est précisément celui de la recréation et du salut. Après les sept jours, qui représentent l'accomplissement, la perfection, vient le huitième jour, le « jour d'après », en dehors du temps, qui est en réalité le « premier » dans l'ordre du salut. C'est le jour du Premier-né qui fait toute chose nouvelle, et en qui tout est créé. Ce huitième jour est « plus-que-parfait », il est celui où Jésus se montre ressuscité à ses disciples. Il est toujours dans le monde, mais il n'est plus soumis au temps. Pourtant, avant d'en arriver à ce huitième jour, le Christ a consenti à être soumis à ses parents, Marie et Joseph. Dans l'épître aux Galates, Saint Paul explique que Dieu a envoyé son Fils lorsqu'est venue la « plénitude des temps ». Que celui-ci est « né d'une femme, et qu'il a été soumis à la loi de Moïse ». Il a voulu vivre l'incarnation, dans la soumission à une temporalité - il y a deux mille ans - et à une localité, celle de Bethléem puis de Nazareth. C'est de cette manière que le Christ a pu racheter tous ceux qui étaient soumis à la loi de Moïse. Lui-même n'a pas voulu être enfermé dans un tombeau, dans une grotte. S'il a consenti à y demeurer, c'est pour nous en libérer. L'œuf doit éclore, le tombeau doit être ouvert. Lorsque tout est plein, au septième jour, la vie doit jaillir. C'est cela, le huitième jour : un jour de rupture, de coupure, de circoncision. Un jour d'enfantement et de vraie naissance, où l'enfant reçoit enfin  son nom. Il peut être lui-même, dans  cette  séparation avec la mère.

Le sein de Marie n'enferme pas Jésus. Il n'est pas pour elle, mais pour l'humanité. Si elle le porte, c'est pour nous le donner. Si elle peut être "mère de Dieu", c'est d'abord parce qu'elle a accepté d'être fille de ce Dieu qui la porte, et qui porte chacun de nous. Nous aussi, nous pouvons avoir cette mission de porter Dieu en nous, quand nous consentons à le donner au monde. La perfection, la sainteté à laquelle nous sommes appelés, c'est à la fois de devenir une demeure de Dieu, une mangeoire dans laquelle il peut reposer, mais aussi d'aller au dehors, en sortant de nous-mêmes pour aller vers Dieu et nos frères. Comme le prophète Élie, qui sort de la grotte pour se tenir sur la montagne, nous pourrons ainsi entendre le profond silence de la parole de Dieu qui passe.

En ce premier jour de l'année civile, et dernier jour de l'Octave de Noël, nous voici arrivés à un moment de rupture et de transition. C'est un jour qui promet toute chose nouvelle pour une année nouvelle. Dieu apporte cette nouveauté absolue dans le monde : il permet à l'humanité d'enfanter son Fils, et par là de l'enfanter lui-même. Il nous donne d'être sa mère. Mais tout cela n'est possible que si nous vivons l'abandon et la disponibilité de Marie. Soyons, comme elle : une grotte, un lieu vide et vierge pour accueillir Dieu, l'auteur et la source de la Vie, pour le porter et le remettre au monde. Amen.

Fr. Columba