Dédicace de notre église Lc 19,1-10
Chers frères et sœurs, il y a quelques jours – comme certains le savent – j'ai eu la chance de rencontrer le pape François à Rome, lors d'une audience publique, avec les abbés bénédictins de tous les continents, et d'autres pèlerins du monde entier. Comme Zachée prenant de la hauteur, je n'ai pas pu monter sur un arbre, mais seulement sur ma chaise, pour pouvoir mieux l'apercevoir quand il est arrivé. Il nous a parlé de son voyage en Asie du Sud-Est, de la vitalité et de la jeunesse de l'Église dans ces pays. Seulement 3% de catholiques en Indonésie, mais beaucoup de chaleur et d'accueil, des témoignages de compassion et de fraternité qui sont autant de remèdes à la haine et à la guerre. Le pape insistait sur le fait que l'Église n'est pas européo-centrée. Ce qui pour nous, européens, relève de la périphérie est en réalité le centre de l'Église, car il se vit là-bas quelque chose du cœur de l'évangile.
Élargis l'espace de ta tente, déploie sans hésiter la toile de ta demeure, dit le prophète Isaïe (54,2). Un peu plus loin, le prophète parlera des étrangers attachés au Seigneur, comme nous l'avons entendu. Il nous faut dilater notre cœur, afin d'élargir l'église. L'ouvrir aux dimensions du monde entier. Aux autres cultures, aux différentes traditions religieuses. La dédicace de cette église de pierres consacre la présence de Dieu dont nous sommes les témoins ; elle nous appelle à une prière de plus en plus large pour le monde, à un désir de plus en plus grand. Zachée est à l'étroit dans sa vie de collecteur d'impôts. Il est méprisé par les gens de son peuple. En plus, il est de petite taille. Mais Jésus vient ouvrir quelque chose en s'invitant chez lui. Il lui fait comprendre qu'il n'y a pas besoin de se hisser vers le haut pour être heureux, ni de se faire de l'argent au détriment des autres. Au contraire, il vaut mieux élargir le cœur, à l'intérieur. C'est d'ailleurs ce que fait Zachée, en faisant don aux pauvres de la moitié de ses biens, et en rendant quatre fois plus à celui à qui il a pu faire du tort. Jésus le sait bien, car il voit justement le fond de la personne. Il ne juge pas sur les apparences, comme nous pouvons souvent le faire en observant autrui de l'extérieur.
Descends vite. Il y a une urgence à accueillir Jésus dans notre maison, dans notre église, pour que celle-ci soit vraiment le lieu de la prière, et qu'elle ne soit pas vide ni désaffectée. Il ne suffit pas que le tabernacle soit rempli d'hosties pour que Dieu soit réellement présent dans une église. Il faut aussi une communauté, un corps pour l'accueillir, dans ce lieu qui est le sien avant d'être le nôtre. Beaucoup de personnes – y compris des non-croyants – regrettent que certaines églises soient désacralisées. Mais si elles n'accueillent plus de fidèles, que signifie encore la présence d'un Dieu solitaire dans ces bâtiments ? Dieu ne veut pas rester seul. Non seulement, il s'invite chez nous qui sommes des pécheurs, mais il nous invite aussi à venir chez lui. Car l'église est d'abord sa maison à lui. Sans la foi, la culture est vaine, morte et vide. Elle a besoin du souffle de l'Esprit pour l'animer de l'intérieur.
C'est à cela que nous appelle le pape François. Comme les missionnaires d'Asie qui sont allés dans les forêts pour évangéliser, nous devrions porter la Bonne Nouvelle dans les endroits les plus reculés. Pour cela, nul besoin d'aller très loin. Il suffit de se regarder soi-même, et de prendre conscience des zones encore obscures qui sont en nous, et qui nécessitent de grandir dans la foi. L'expression « un arbre cache la forêt » peut s'appliquer à notre évangile. Quand Zachée monte sur un sycomore, c'est pour s'approcher de la lumière qui vient d'en haut. Dieu, comme un soleil, illumine tout l'univers, y compris les forêts les plus sombres de notre cœur. Au moment de nous unir au sacrifice unique du Christ, laissons-le venir nous chercher avec notre péché, car il veut que le salut arrive pour chacun de nous. Le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu.
Fr. Columba