Assomption de la Vierge Marie Lc 1, 39-56

Frères et sœurs, il y a quelques jours, nous avons fêté sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix, carmélite allemande tuée en 1942 à Auschwitz à cause de ses origines juives. Cette sainte, martyre et co-patronne de l'Europe, est plus connue sous son nom civil d'Edith Stein. Première femme enseignant la philosophie en Allemagne, elle a élaboré une « théologie de la femme », ce qui était nouveau à l'époque. En cette fête de l'Assomption, nous faisons mémoire justement d'une femme d'exception : la Vierge Marie, qui représente le sommet de notre humanité.

Aujourd'hui, les scientifiques affirment (contrairement à la Bible qui parle à un autre niveau, plus existentiel) que le premier homme était... une femme. Nous serions tous issus d'une femme originelle. Un être dans lequel serait advenue la conscience qui fait de nous des humains. D'ailleurs, nous tous qui sommes dans cette église, nous devons la vie à une femme, notre mère, qui nous a enfantés. Hommes ou femmes, qui que nous soyons, nous avons une dette envers la femme. La femme a depuis toujours porté le monde dans ses bras, comme elle porte un enfant. La Vierge Marie représente cet archétype de la féminité, de la maternité, et de la beauté originelle qui élève notre humanité. Voilà pourquoi elle parle à tous les peuples, bien au-delà des chrétiens. Les musulmans la vénèrent, mais aussi les hindous et les bouddhistes. Sans en faire une déesse, comme pourraient nous rétorquer nos frères protestants évangéliques, nous pouvons affirmer que la Vierge Marie est l'achèvement de l'humanité, l'accomplissement de la beauté humaine. Cette grâce lui vient de Dieu, évidemment, et du Fils qu'elle a porté. Sa beauté est d'abord intérieure, et c'est pour cela qu'Elisabeth, sa cousine, lui dit cette parole : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni ». Chacune des deux femmes porte un enfant dans son sein, et la communication se fait instinctivement, comme on peut l'imaginer.

Dans notre monde et à toutes les époques, la femme – de par sa plus grande fragilité physique – est souvent victime de la brutalité des hommes. Les guerres sont initiées par des hommes. Et les dictateurs sont presque toujours des hommes. La femme, elle, a cette capacité quasi innée de prendre soin de la vie. Elle se heurte au pouvoir du mal, comme le montre la première lecture, tirée de l'Apocalypse. Un Dragon vint se poster devant la Femme qui allait enfanter, afin de dévorer l'enfant dès sa naissance. La Femme de l'Apocalypse figure l'Église en chemin d'Ève vers Marie, appelée à une libération. Elle a le soleil pour manteau, la lune sous ses pieds et une couronne de douze étoiles. Elle est enceinte et elle crie, dans les douleurs et la torture d'un enfantement. Combien de femmes crient encore aujourd'hui, car elles n'ont rien à donner à manger à leurs enfants ? Combien, dans les pays du Sud, marchent des heures au soleil pour aller chercher un peu d'eau ou vendre quelques fruits afin de faire vivre leur famille ? Et même dans nos contrées développées matériellement, les femmes sont souvent obligées de travailler plus que les hommes pour gagner le même salaire.

Toutes ces injustices, l'Écriture nous dit qu'elles auront une fin, et que le bien, même s'il est fragile, triomphera. Le Dragon du mal sera précipité, et la Résurrection du Christ apparaîtra en pleine lumière, quand les temps seront accomplis. Pour l'instant, nous sommes en chemin avec Marie, et le travail d'enfantement continue de s'opérer. Chaque jour, il nous faut construire la paix, en accueillant celle que Dieu nous donne en son Fils. Alors, tout sera achevé, dit saint Paul, quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père, après avoir anéanti, parmi les êtres célestes, toute Principauté, toute Souveraineté et Puissance. La Puissance du mal ne résistera pas à la louange de Marie. Dans son Magnificat que nous avons entendu, elle chante que le Puissant, Dieu, a fait des merveilles pour elle. Il déploie la force de son bras, et disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés... Vous me direz que tout cela n'est pas encore arrivé. Pourtant, dès que nous consentons à la rencontre, à la visitation, comme entre Marie et Elisabeth, nous pouvons toucher du doigt que l'avenir de l'humanité réside dans cet élan de solidarité et de générosité, dont les femmes font souvent preuve.

Inspirons-nous de la Vierge Marie. Comme femme, elle se laisse toucher intérieurement par la grâce de Dieu. Qu'elle nous élève avec elle dans son Assomption, afin que même du mal jaillisse le bien pour notre monde, et que de la laideur du péché surgissent la beauté de notre Dieu. Amen.

Fr. Columba