7° Dimanche de Pâques (B) Jn 17, 11b-19

Frères et Sœurs, au début de cette homélie, permettez-moi, d'abord, de m'arrêter un moment sur cet événement de l'élection de Matthias dans le collège des Apôtres rapporté par le livre des Actes des Apôtres et que nous venons d'accueillir dans la 1re lecture de ce dimanche.

Ne croyez-vous pas que ce qui fait le dynamisme et la contagion de la première communauté chrétienne, c'est précisément d'avoir osé relever les défis posés par sa croissance sans jamais refuser les questions, souvent polémiques, découlant de son souci de proposer l'Évangile à tous, sans distinction d'origines, de cultures, voire même de religions.

Il n'y avait là aucun prosélytisme mais une contagion suffisamment crédible et joyeuse pour ne laisser personne indifférent et pour, le plus souvent, susciter une adhésion qui était toujours aussi une conversion.

Faut-il pour autant idéaliser une situation passée...et, en contrepartie, diaboliser nos façons de «faire Église» vingt et un siècles plus tard ? Certes non, mais il y a, tout-de-même, des intuitions qui sont, pour aujourd'hui encore, de véritables sources d'inspiration !

Ainsi, par exemple, que dire de ce «tirage au sort» comme modèle d'élection ?
Reconnaissons d'abord que ce tirage au sort est l'ultime étape d'un long processus de discernement.
Il a fallu que les candidats soient d'abord des «compagnons du Christ» depuis son baptême jusqu'à l'Ascension.
Il a fallu la prière commune.
Il a fallu aussi la prise de conscience que la charge confiée à Judas ne reste pas sans titulaire dans le premier collège apostolique.
Il y a, dans cette façon de procéder qui aboutit, finalement, au tirage au sort, il y a, à la fois, une responsabilité de la communauté appelée à discerner et une dépossession qui honore celles et ceux qui ne font pas de cette élection une promotion personnelle mais un service à accueillir avec beaucoup d'humilité et de disponibilité.

Or, ne trouvez-vous pas qu'il y a ici matière à réflexion dans notre façon de «faire Église» et de répartir les différents services et ministères nécessaires à la croissance de l'Église ? D'ailleurs, n'est-ce pas tout l'enjeu de la réflexion suscitée par le pape François et proposée à tous les chrétiens en lançant, il y a plus de 3 ans, le parcours synodal, parcours toujours en cours puisque la seconde session plénière se tiendra en octobre prochain à Rome ?

Cela dit, frères et sœurs, nous ne pouvons pas passer sous silence ces beaux textes de saint Jean que nous propose la liturgie de la Parole de ce jour, à cette étape qui se situe entre l'Ascension et la Pentecôte !

Dans la deuxième lecture de ce dimanche saint Jean nous dit : «Dieu, personne ne l'a jamais vu. Mais, si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et, en nous, son Amour atteint la perfection.»[1]

* Qui donc est Dieu sinon Celui qui prend le chemin de l'invisible non pas pour dire son absence ou son inexistence mais pour préserver notre liberté de croire...ou de ne pas croire ?
* Qui donc est Dieu sinon Celui qui fait de l'Amour reçu et partagé sa signature la plus lumineuse dans le cœur de chacun...tant il est vrai que le désir humain le plus fort réjouit l'identité la plus explicite de Dieu : aimer et être aimé.
* Qui donc est Dieu sinon Celui qui se révèle pleinement dans le visage et la vie du Christ et qui donne à chacun la promesse d'une destinée qui rime avec éternité...et c'est la Résurrection !
Dieu est plus grand que toutes nos évidences.
Et heureusement ! Car, comme dit saint Jean par ailleurs : «Dieu est Amour.»[2]
Oserais-je ajouter : «Dieu n'est qu'Amour» !

Frères et sœurs, ils sont nombreux tous ces pèlerins de notre humanité en quête de sens et assoiffés d'absolu. Ce sont de tels pèlerins qui, au fil des siècles, ont pu faire et font toujours l'expérience de la proximité de Dieu à travers, par exemple, la tendresse de Marie à Lourdes, à Rocamadour ou ailleurs.
Dans l'Évangile de ce dimanche, le Christ nous invite à rester fidèle à Sa Parole pour vivre dans la Vérité. «Je parle ainsi, dit Jésus, pour qu'ils aient en eux ma joie, et qu'ils soient comblés de joie.»[3]
Soyons-en convaincus, les chrétiens grincheux ne sont jamais des chrétiens heureux !
Désormais, la joie est le véritable diapason de l'Évangile. Encore faut-il qu'il sonne «juste» car il n'y a pas de joie sans la Vérité.

Frères et sœurs, la vraie joie n'est jamais du côté de la facilité, de l'éphémère, du superficiel voire de la médiocrité. Il faut souvent puiser jusqu'aux nappes phréatiques de notre cœur pour atteindre cette plénitude de joie dont parle le Christ dans l'Évangile. Nous rejoignons alors la vérité de notre être dans une profondeur telle que nous reconnaissons, comme dit le Christ, «être du monde sans être du monde».
Attention, il ne s'agit pas ici de fuir le monde mais d'y discerner et d'y cueillir des graines d'Évangile présentes à tous les étages d'un monde marqué par beaucoup de disparités et de précarités qui sont, souvent, comme des «pierres d'attente» d'une vision et d'un souffle.

Frères et sœurs, nous voici, déjà !, à quelques jours de cette grande fête de la Pentecôte. Je nous souhaite de vivre ces jours-ci dans une disponibilité de cœur et d'esprit, de corps aussi, capable d'accueillir l'Esprit Saint. Nous le savons, une vie sans l'Esprit Saint est un peu (beaucoup !) comme une vie sans respiration, éteinte parce que sans souffle. À la Pentecôte, les peureux deviennent des audacieux !

Et si, justement, cette messe célébrée dans cette église d'En Calcat ressemblait un peu à la première Pentecôte de Jérusalem ! Avec des hommes et des femmes de multiples origines et de multiples cultures, sans doute aussi, de multiples langues et de multiples convictions. Qu'à travers les passages de la Parole de Dieu de la liturgie de ce dimanche et, également, l'expérience partagée de notre communauté monastique, que chacun se sente rejoint pour faire un pas de plus sur le chemin qui conduit au bonheur, au vrai bonheur. Car, rien de ce qui est humain n'est étranger à Dieu. Toute vie peut être transfigurée quand émergent le sens, le souffle et une vision.Souhaitons-nous donc une vie au plein souffle de l'Évangile !
Amen.

Fr. Benoît-Marie

 

[1] 1 Jn 4, 12.

[2] 1 Jn 4, 8.

[3] Jn 17, 13.