33° Dimanche du TO*B Mc 13, 24-32

Frères et sœurs, à la fin de l'année liturgique, nous sommes habitués à entendre et regarder d'un peu plus près les questions de la fin : on évoque des catastrophes, des signes, toutes sortes de peurs…

Avec la prophétie de Daniel et sa reprise par Jésus dans l'évangile, nous sommes servis. Pourtant, Jésus affirme ici très clairement à ses contemporains : « Amen, je vous le dis, cette génération ne passera pas avant que tout cela n'arrive. »

« Cette génération » ? Alors, ce « tout cela » concerne le temps de Jésus, ce « tout cela » parle de sa Pâque, de sa croix et de sa résurrection.

Il affirme : « Quant au jour et à l'heure, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, seulement le Père ». « Pas même le Fils ? », cela nous laisse un peu surpris. Mais si Jésus avait tout connu exactement à l'avance de l'agenda qui l'attendait, si Jésus n'avait pas été soumis au temps, comme chacun de nous, il n'aurait pas été « fils », il n'aurait pas partagé pleinement notre condition humaine.

Ainsi, le temps de chacune de nos vies devant nous est toujours inconnu, il appartient au Père seul, il nous dépasse et nous surplombe, et aucun agenda ne lui met d'entraves.

Avec ce retour à notre présent, à notre condition humaine soumise au temps, je voudrais écouter mieux la Lettre aux Hébreux, la seconde lecture que nous avons entendue, un texte très important pour mieux vivre l'eucharistie, au présent. Là aussi, il s'agit d'un rapport au temps.

Très clairement, l'auteur nous dit : il y a quelque chose de complétement périmé désormais : les sacrifices offerts à longueur d'années par les prêtres dans le Temple « qui n'ont jamais pu enlever les péchés ».

Pourquoi est-ce périmé ? Parce que Jésus Christ seul, par sa passion et sa résurrection, a offert « l'unique sacrifice pour les péchés », le seul qui nous ait obtenu le pardon, une fois pour toutes !

Et l'auteur y revient : « Quand le pardon est accordé, on n'offre plus le sacrifice pour les péchés ». C'est fini.

Alors, que faisons-nous quand nous célébrons l'eucharistie, avec les prêtres d'aujourd'hui, qui n'ont pas grand chose à voir avec les prêtres de l'Ancienne Alliance, malgré les apparences.

Nous rendons grâce, c'est le sens du mot « eucharistie », et nous faisons mémoire, comme Jésus, le soir du dernier repas, a dit à ses disciples de le faire.

Qu'est-ce que cela veut dire ? Je prends une comparaison, que j'emprunte à Xavier Léon-Dufour, un théologien de l'eucharistie :

« Nous redisons chaque matin que le soleil se lève, alors que nous savons fort bien que le soleil ne se lève pas, mais que c'est une face de la terre qui se rend présente chaque matin au soleil, centre de son système d'existence. »

Ainsi faisons-nous dans l'eucharistie pour l'événement central et décisif de la vie du monde, l'événement qui ne passera pas, l'événement qui nous sauve, l'événement éternel de notre rédemption. J'emploie exprès les gros mots…

« Par l'eucharistie, je me rends présent au sacrifice de Jésus, qui, tout en demeurant un acte temporel du passé, a une dimension supratemporelle et me permet de me rendre présent à lui à travers l'épaisseur de ce temps qui, pour moi, s'écoule sans cesse et sans pitié. Or ce temps acquiert ainsi non seulement sa profondeur d'éternité, mais aussi un dynamisme qui, solidement ancré dans l'acte sauveur de Dieu, m'ouvre à la réconciliation universelle. (Xavier Léon-Dufour, Le partage du pain eucharistique selon le N.T., p.138)

Le pardon a été accordé, notre salut est déjà proclamé, et comme dit saint Paul, « nous sommes ressuscités avec lui », au présent. De cela, nous ne prenons conscience que progressivement, à notre mesure, et c'est long, et souvent nous oublions, et nous rechutons, car nous restons inexorablement dans le temps.

Alors, rythmiquement, une fois par semaine, ou moins ou plus, nous venons nous exposer au soleil de la grâce, au soleil du Pardon de Dieu, au soleil du Dieu absolument sans violence qui, pour nous révéler ce mystère, a voulu prendre la place de la victime du sacrifice, l'Agneau immolé… mais c'est un Agneau vainqueur, Jésus Ressuscité. Tout à l'heure, au moment de communier, c'est cet Agneau que nous invoquerons.

L'eucharistie est bien le sacrifice de l'Église, le sacrifice des chrétiens, mais c'est un sacrifice de louange, d'action-de-grâce, qui nous engage dans la seule voie capable de nous ancrer dans l'éternité, celle de la charité, de l'amour, du pardon, pardon reçu et pardon accordé, des paroles de Jésus qui ne passeront pas. Par le don du Christ au soir qui a précédé la Croix, je reçois dans l'eucharistie une énergie pour vivre à mon tour ce pardon, cette réconciliation, chaque jour plus pleinement. Amen.

frère David